Cultures maraîchères après destruction de prairies permanentes : risques environnementaux et intérêts agronomiques. Rapport scientifique, Convention BIO2020


  • Hardy, B. & Godden, B. (2018). Cultures maraîchères après destruction de prairies permanentes : risques environnementaux et intérêts agronomiques. Rapport scientifique, Convention BIO2020.
Type Report
Year 2018
Title Cultures maraîchères après destruction de prairies permanentes : risques environnementaux et intérêts agronomiques. Rapport scientifique, Convention BIO2020
Abstract De nombreux néo-maraîchers en agriculture biologique cherchent à s’implanter sur des terres d’un coût abordable, riches en matière organique et exemptes de produits phytopharmaceutiques. En conséquence, ils s’installent sur d’anciennes prairies permanentes pour y cultiver des légumes. Cette situation de fait, parfois même encouragée par des organismes officiels, est pourtant interdite par la dernière version du Programme de Gestion Durable de l’Azote (PGDA III) car elle implique un risque élevé de lixiviation de nitrates. Dans l’idée d’évaluer la pertinence de cette interdiction considérée comme un frein au développement du maraîchage bio et d’améliorer l’encadrement des nouveaux maraîchers, la Cellule transversale de Recherches en Agriculture Biologique (CtRAB) a suivi au cours des saisons culturales 2016 et 2017 quatre situations néo-maraîchères implantées sur d’anciennes prairies permanentes. Cette étude a été menée en concertation avec le Département de l’Environnement et de l’Eau du Service Public de Wallonie. Une des prairies était anciennement gérée en fauche et les trois autres en prairies pâturées. Afin de déterminer la quantité d’N potentiellement minéralisable au cours des deux premières années suivant la destruction de la prairie, un échantillon de sol de chacune des parcelles a été incubé en laboratoire, dans des conditions de minéralisation optimales (28 °C), pendant 84 jours. Les résultats ont ensuite été transposés au champ par la méthode des jours normalisés, qui se base sur la relation étroite entre la vitesse de nitrification et la température du sol. Afin d’évaluer les risques de lixiviation de nitrates en fonction des cultures implantées, les contenus en N minéral (nitrate et ammonium) du sol de chaque parcelle ont également été mesurés pendant et après différentes cultures de légumes au cours des deux premières saisons culturales suivant la destruction de la prairie. Nous avons estimé un potentiel de minéralisation de ~160 kg N ha-1 pour la prairie en fauche et un minimum de 230 kg N ha-1 pour les trois prairies pâturées. Ce résultat suggère que le régime de prairie influence le stock d’N potentiellement minéralisable, ce qui est conforme avec la littérature. Le régime de fauche, l’âge de la prairie et la charge en bétail sont autant de facteurs susceptibles d’influencer le potentiel de minéralisation. La minéralisation d’N est pratiquement nulle au cours des mois de décembre, janvier et février en raison des températures proches de 0 °C. Elle augmente progressivement à partir du mois de mars pour atteindre un maximum fin juillet avant de diminuer progressivement au cours de l’automne. C’est la minéralisation au cours de l’arrière-saison, période de prélèvement peu active par certaines cultures, qui est la principale cause du risque de lixiviation de nitrates. C’est donc la propension de la succession culturale à prélever l’N tout au long de la période de minéralisation active de l’N qui va gouverner le risque de lixiviation hivernale de nitrates. L’implantation de couverts gourmands en N et une couverture permanente des sols sont les principales lignes directrices d’une bonne gestion de la fertilité azotée après destruction d’une prairie. Par exemple, l’implantation d’une culture piège à nitrate (CIPAN) après une culture exigeante en N représente une combinaison idéale pour limiter les risques environnementaux tout en limitant les pertes d’N pour l’agriculteur. De très bons résultats ont été obtenus pour la succession d’un engrais vert après une culture de pommes de terre. De même, la succession de choux de printemps et de choux de conservation en relai a le potentiel de prélever l’essentiel de l’N minéralisé tout au long de la saison. Par contre, la plupart des légumes feuilles possèdent un enracinement relativement faible et un cycle végétatif court. Leur production devrait être externalisée durant les deux premières années de remise en culture d’anciennes prairies. Actuellement, le PGDA autorise la destruction des prairies entre le 1er 5 février et le 31 mai inclus. Afin qu’une culture de printemps puisse bénéficier au maximum de la libération d’N par la prairie, nous préconisons de détruire la prairie le plus tôt possible, dès que les conditions météorologiques le permettent. La gestion de la prairie l’année précédant la destruction est également un levier d’action possible pour limiter les risques de lixiviation, notamment en arrêtant la fertilisation, le pâturage et en favorisant la fauche. Sans vouloir minimiser les risques de lixiviation de nitrates associés à la culture de légumes après destruction de prairie permanente, il est important de souligner que 130 des 173 maraîchers bio répertoriés pour l'année 2017 en Wallonie cultivent des surfaces inférieures à 2 ha. Les surfaces concernées par ce phénomène sont donc très réduites. En outre, la période à risque n’est qu’une étape transitoire de deux ans. Quant aux agriculteurs qui cultivent des légumes de plein champ sur des grandes surfaces, ils tombent sous le régime de verdissement de la PAC, ce qui diminue considérablement le risque de voir le phénomène se généraliser au sein des grandes exploitations. Dès lors, nous conseillons d’assouplir la législation pour les situations maraîchères sur petites surfaces tout en améliorant l’encadrement via des structures du secteur (Biowallonie, CIM, CPL Végémar, CRABE, …) afin de répondre aux besoins agronomiques et sociétaux des maraîchers bio tout en limitant les risques environnementaux inhérents à la destruction de prairies permanentes.
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Authors Hardy, B., Godden, B.