Les agriles (Agrilus spp.; Figure 1) sont des coléoptères (famille des Buprestidae) dont les larves se développent habituellement sous l’écorce d’arbres dépérissants. En se nourrissant, les larves endommagent le système vasculaire de leur hôte, entraînant éventuellement sa mort. Il existe une vingtaine d’espèces indigènes, pour la plupart considérées comme des ravageurs secondaires. Certaines espèces pourraient cependant causer des dommages plus importants lors d’épisodes de pullulation liés à une fragilisation des peuplements. Par exemple, l’importance exacte du bupreste du chêne à deux points (Agrilus biguttatus) dans le déclin aigu du chêne fait actuellement débat. D’autres espèces, exotiques et envahissantes, sont, elles, clairement associées à des dégâts très importants, même sur des arbres sains. C’est notamment le cas de l’agrile du frêne (Agrilus planipennis), d’origine asiatique mais introduit aux Etats-Unis au début des années 2000 où il provoque des ravages sur plusieurs espèces de frênes (Fraxinus spp.). Cette espèce a par ailleurs été importée en Russie et en Ukraine et sa progression vers l’ouest fait craindre son arrivée prochaine en Europe de l’ouest.
Figure 1. Vue dorsale et ventrale d’Agrilus olivicolor. Photo : Gilles San Martin.
Afin d‘estimer correctement les niveaux de population des espèces indigènes et de maximiser les chances de détection des espèces exotiques, il est important de développer des outils de surveillance adaptés. L’Unité santé des plantes et forêts du Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W) est actuellement impliquée, en partenariat avec d’autres institutions (ILVO, PCfruit et ULB), dans un projet de recherche du SPF Santé Publique visant à tester l’efficacité de différents types de pièges sur la faune locale d’agriles. Quatre types de pièges ont été testés : “piège-bouteille” avec ou sans leurre (spécimen d’A. planipennis mort collé), piège à entonnoirs “hongrois” et piège à entonnoirs Lindgren (Figure 2.). Tous ces pièges reposent sur une attractivité visuelle pour les agriles (couleur verte ou jaune fluo + leurre – agrile mort – éventuel).
Figure 2. Type de pièges testés en place dans la canopée d’un chêne. De gauche à droite : piège-bouteille avec leurre, piège à entonnoirs Lindgren, piège à entonnoirs “hongrois” et piège-bouteille sans leurre. Photo : Gilles San Martin.
En 2021, 84 pièges ont été disposés, de juin à septembre, dans la canopée de cinq chênaies plus ou moins dépérissantes. Nos résultats montrent premièrement qu’il y a une très forte variabilité des taux de captures entre sites (Figure 3.). Sur les trois mois de piégeage, 94% des captures totales (794 Buprestidae capturés dont 786 Agrilus spp.) ont été réalisées à Rochefort. Ensuite, le type de piège semble également avoir un effet : les pièges à entonnoirs hongrois capturent systématiquement plus de spécimens, même si cette tendance est peu marquée en dehors de Rochefort dû aux faibles taux de captures. Enfin, l’efficacité des pièges est vraisemblablement influencée par l’arbre dans lequel ils sont accrochés (Figure 3.), probablement dû à la position et l’exposition de cet arbre, ainsi qu’à son niveau de dépérissement. Au total, six espèces d’agriles (toutes indigènes et inféodées aux chênes) ont été capturées : Agrilus angustulus, A. biguttatus, A. graminis, A. laticornis, A. olivicolor et A. sulcicollis. A.graminis n’avait jamais été signalée en Belgique auparavant. Par ailleurs, plusieurs individus du bupreste Coraebus undatus ont été capturés à Rochefort. Cette espèce, particulièrement rare en Belgique jusqu’à présent, est réputée provoquer des dégâts parfois importants en s’attaquant aux branches de chênes dans le sud de la France.
Figure 3. Comparaison des taux de captures totales de Buprestidae entre pièges et entre sites. Au sein de chaque site, un trait relie les captures des pièges positionnés sur le même arbre.
Ces résultats sont préliminaires et d’autres sites favorables (tel que Rochefort) sont nécessaires pour pouvoir faire des comparaisons fiables entre pièges lors de la poursuite du projet en 2022. Il est cependant intéressant de constater que, malgré un état de dépérissement avancé dans d’autres sites (Spa et Haute Bodeux), les populations d’agriles semblent assez restreintes. L’état d’un peuplement seul ne semble donc pas être un bon indicateur de la présence d’agriles. L’arrivée de nouvelles espèces européennes et l’augmentation d’espèces autrefois très rares observées sont des phénomènes qui risquent de s’amplifier dans un contexte de changement climatique. L’évolution de ces tendances devra être surveillée de près dans les prochaines années.