La production laitière dans la Grande Région
La production laitière, avec 10 000 producteurs laitiers mobilisant, en 2014, un troupeau de 563 000 vaches, est une production importante tant en valeur économique qu’au niveau environnemental et social de par l’utilisation du territoire en Grande Région.
Suite à la libéralisation du marché laitier (suppression des quotas, diminution des barrières tarifaires), le prix du lait s’est équilibré à travers toute l’Europe et le Monde. Les producteurs de la Grande Région se trouvent dès lors en concurrence avec les grands bassins de production européens et mondiaux. Afin de maintenir la production laitière dans la Grande Région, la compétitivité du secteur doit dès lors être renforcée par une réduction des coûts de production et/ou une augmentation de la valeur ajoutée.
Face à cette contrainte de nombreux producteurs laitiers agrandissent leurs troupeaux afin de bénéficier, par des économies d’échelles, de coûts de production plus faibles. D’autres stratégies consistent dans la spécialisation et l’intensification de la production (augmentation de la production laitière par vache et par unité de surface). Alors que dans la Grande Région la production laitière était historiquement basée sur l’herbe, et en grande partie l’herbe pâturée, le développement de la mécanisation (récolte de fourrages, traite robotisée), la culture de maïs ainsi que la disponibilité de concentrés protéiques importés du continent américain ont changé le système de production de lait. Aujourd’hui les charges sont plus élevées et de nombreux producteurs ne disposent plus d’assez de surface pour assurer l’alimentation énergétique et surtout protéique de leurs vaches laitières. Des quantités importantes de concentrés énergétiques et protéiques doivent dès lors être importées d’autres régions de l’Europe ou même du monde (protéine). Aujourd’hui les exploitations bovines laitières luxembourgeoises disposent de taux d’autonomie énergétique de 75 % et d’autonomie protéique de 53% (CONVIS). En France ces taux sont respectivement de 83 et 67%.
Résilience et autonomie protéique à l’échelle de l’exploitation
Plusieurs études montrent cependant qu’une plus grande autonomie (Lebacq T., 2015), et ce plus spécifiquement autonomie alimentaire protéique, conduit à de meilleures performances économiques des exploitations agricoles. Ainsi, CONVIS a montré une amélioration du profit, de 5 cts/kg de lait, au niveau d’exploitations efficientes présentant un degré d’autonomie de 66% par rapport à des exploitations non efficientes avec un degré d’autonomie à 39%. Finalement, étant moins sensibles aux fluctuations des coûts de production, les systèmes autonomes en protéine sont plus résilients.
La présence de prairies permanentes (prairies étant en place depuis plus de 5 ans et ne pouvant plus être labourées et utilisées comme terre agricole pour cultiver des cultures) dans la Région (40 % de la surface agricole totale) est une chance pour le renforcement de la compétitivité du secteur laitier. Cependant de nombreuses prairies ne sont pas utilisées de façon efficiente et ne réalisent pas leur potentiel de production. Un intérêt faible des agriculteurs et des services de conseils pour la prairie, une méconnaissance de tous les services livrés (externalités positives) par la prairie ainsi qu’un support politique faible par rapport à sa conduite ont contribué dans le passé à une utilisation sub-optimale des prairies.
Aujourd’hui un hectare de prairie cultivée de façon optimale permet de produire 1 300 kg de protéines brutes. Cette production permet d’épargner un import de 3 000 kg de tourteaux de soja équivalent à la production annuelle d’un hectare de soja en Amérique du Sud. L’utilisation efficiente des prairies fournit en outre de nombreux services écosystémiques : biodiversité plus élevée, captage de Carbone dans le sol, et des espaces ouverts à haute diversité.
Résilience et autonomie protéique dans la Grande Région
Une herbe bien gérée peut atteindre 150-200 g MAT / kg MS. Cependant, les vaches haute productrices montrent des besoins en protéines de plus en plus dense (besoin augmentant plus vite que la capacité d’ingestion). Ainsi, des concentrés protéiques devraient également être produits sur la Grande Région. Suite aux importations abondantes de protéines (soja), les cultures protéagineuses locales ont été longtemps négligées dans les systèmes de production agricoles. Alors qu’elles disposent de nombreux avantages pour les systèmes agricoles (fixation d’azote, enrichissement des sols en humus, diversité agricole), l’importation de protéines était économiquement plus intéressante. Aujourd’hui les cultures protéagineuses telles que le pois, les haricots, les féveroles et les lupins représentent plus ou moins 1 % de la surface agricole de la Grande Région. La culture de fourrages riches en protéines (luzerne, vesce, trèfles et mélange céréales pois) progresse lentement. Les connaissances agronomiques relatives à ces fourrages et cultures ont été perdues durant les dernières décennies. Alors que les exploitations sont soumises à des aléas climatiques importants et ne réalisent en même temps que des marges économiques très faibles, elles ne sont pas prêtes à prendre de risque avec des cultures protéagineuses à faible potentiel de rendement et très sensibles aux facteurs pédoclimatiques.
La production de colza pour l’industrie (production d’huiles et de biocarburants), bien maitrisée dans la Grande Région, aboutit à un coproduit riche en protéines : le tourteau de colza. Il est actuellement utilisé dans la production animale (lait et viande). La production actuelle de colza dans la Grande Région (200.000 ha), dont la plus grande partie en Lorraine (70%), permet aujourd’hui de fournir 44% des protéines utilisées dans la grande région. Le développement de la filière de colza aboutit donc également à une plus grande autonomie protéique de la région.
Le bassin de production, transformation et de consommation dans la Région est une chance et permet à toute la Grande Région de profiter de toute augmentation de la plus-value. Le développement de nouvelles filières de production autonome profite à toute la région. Ainsi la demande de lait non OGM, provenant du marché allemand et du Nord de l’Europe ou alors les productions en agriculture biologique est une chance pour toute la région. Ce lait ne peut être difficilement produit à base de soja de l’Amérique du sud souvent contaminé avec du soja OGM. L’augmentation de l’autonomie protéique permettra de répondre à cette demande et de produire un lait à caractère plus régional.
Accroître la compétitivité de nos exploitations laitières
Dans ce contexte, le projet AUTOPROT avait pour objectif d’accroitre la compétitivité des exploitations laitières de la Grande Région par l’amélioration de leur approvisionnement en protéine (autonomie protéique). Le sujet a été traité tant au niveau de l'exploitation individuelle qu’à celui de la Grande Région. L'autonomie alimentaire doit ici être comprise comme le niveau d'autosuffisance en protéine alimentaire des bovins laitiers et plus particulièrement des vaches en production, dont les besoins sont les plus élevés.
Les résultats du projet ont été communiqués aux publics par le biais de plusieurs manifestations (action 7), dont notamment des participations à des manifestations agricoles et visites d’exploitations. L’un des résultats du projet a été un catalogue d’innovations et de techniques potentiellement intéressantes pour la Grande-Région. Celui-ci a été transmis aux responsables politiques. Une conférence de clôture du projet permettra également de présenter et discuter publiquement des résultats obtenus.
Une prolongation du projet a permis d’explorer deux nouvelles approches :
- L’autonomie en protéines et émissions d’ammoniac dans l’élevage laitier
- L’évaluation de la compétition Feed-Food au sein des élevages laitiers de la Grande-Région
WP2 : Partage et appropriation des concepts pour la quantification de l'autonomie protéique des systèmes de production laitières
Dans la première phase du projet, les questions méthodologiques ont été abordées afin de définir une base commune à l’ensemble des partenaires relatives à la disponibilité et la collecte de données nécessaire au calcul tous les paramètres économiques et écologiques ainsi qu’à l'estimation de l'autonomie protéique. L’élaboration d’une méthodologie commune a été basée sur des méthodes existantes et reconnues, sur des normes en matière de besoin en protéine provenant, en autre, de la littérature.
Deux méthodes d’estimation de l’autonomie protéique ont été définies à l’échelle du troupeau : l’autonomie ingérée, qui se base sur la ration fournie aux animaux et l’autonomie valorisée qui se base sur les besoins des animaux. La différence de résultats obtenus entre ces deux méthodes permet d’estimer la part de protéine non valorisé par le troupeau.
A ces estimations de l’autonomie, d’autres paramètres techniques, économiques (coûts d’achat des aliments, coûts pour la production des aliments à la ferme, coûts totaux pour l’alimentation, coûts totaux pour la production d’un kg de lait, produit de l’atelier lait hors aides directes, excédent brut d’exploitation de l’atelier lait, hors main d’œuvre et aides directes) et environnementaux (bilan azote et bilan carbone) ont été calculés afin de réaliser une analyse multicritère des exploitations laitières de la Grande Région et d’identifier les paramètres influençant l’autonomie de ces exploitations.
En parallèle, une étude sur l’autonomie protéique de la Grande Région a été réalisée.
Voir délivrable 2.1
Voir délivrable 2.2
WP3 : Analyse des gains de rentabilité et des performances environnementales liés au gain d’autonomie
Dans une deuxième phase, l'influence du niveau d'autonomie protéique sur les performances économiques et environnementales a été décrite, principalement sur base de données provenant des comptabilités agricoles existantes. L’état des lieux en matière d'autonomie protéique a été réalisé dans cette action. L’évaluation de l'autonomie protéique ainsi que les performances économiques liées ont été calculées sur base de données provenant des bilans de comptabilité des années précédentes et fournissant une première image de la situation concernant l'autonomie protéique et permettant également la réalisation d’une première classification des exploitations. Ce fut un premier pas vers l’identification d’innovations contribuant à l’amélioration de l'autonomie protéique. En parallèle, d'autres paramètres environnementaux tel que les bilans azotés, les émissions GES mais également la biodiversité ont été calculés en mettant en avant l’influence que peut avoir le niveau d’autonomie protéique sur ceux-ci.
Les données de 217 exploitations laitières de la Grande Région ont été collectées sur les années 2014, 2015 et 2016. Les résultats montrent que l’intensité reste le paramètre ayant le plus d’influence sur la variations d’autonomie des exploitations laitières. Les autres paramètres sont : l’utilisation de concentrés, la production de cultures protéiques (dans les régions ou c’est possible) et la part de l’herbe dans la ration.
Du point de vue économique, les exploitations avec un plus haut niveau d’autonomie protéique ont des coûts d’achats des aliments plus faibles mais elles ont des coûts de production des aliments (exprimés en €/kg de lait produit) plus élevés.
Au niveau environnemental, il existe un lien fort entre autonomie protéique et bilan azoté. En effet, une haute autonomie protéique est liée à un plus faible bilan azoté par hectare et, dans une moindre mesure, par kg de lait. Pour ce qui est des gaz à effet de serre (GES), on retrouve de fortes corrélations entre les soldes du bilan carbone repris par hectare de SAU de l’exploitation et les paramètres d’autonomie protéique.
Voir délivrable 3.1
Voir délivrable 3.2
WP4 : Description d’innovations mises en œuvre par des exploitants innovants ou centres de recherche
Dans la phase suivante, les innovations les plus prometteuses, déterminées conjointement par les institutions de recherche et exploitations agricole impliquées dans le projet ont été identifiées. On parlera alors d'exploitations novatrices. La sélection de ces exploitations a été basée sur les résultats pluriannuels de la comptabilité de gestion. Il ne s'agit ici pas forcément d’identifier des techniques novatrices, mais bien toutes mesures connues ou non et qui se sont avérées comme cohérentes et rentables au fil du temps. Parallèlement, de nouvelles techniques contribuant à diminuer la dépendance en protéique étrangère sont également développées et testées au niveau de centres de recherches et d’expérimentations. Ces techniques ont été documentées et ont servi de base de discussion entre les acteurs du projet.
Ainsi sur base de 740 publications, une première liste de 49 innovations "principales" potentielles a été proposée pour être notée et discutée par le consortium pour aboutir à la sélection et la réalisation de 13 innovations et 2 fiches de bonne pratiques.
En parallèle, une quarantaine d’entretiens individuels d’experts et d’éleveurs ont été réalisés afin de compléter les résultats de la recherche bibliographique. De plus, la consultation des éleveurs laitiers visait également l’exploration et la compréhension des pratiques, modes de gestion et trajectoires permettant l’atteinte d’un niveau élevé d’autonomie protéique.
Voir délivrable 4.1
Voir délivrable 4.2
Voir fiches techniques
WP5 : Groupes d'échange transfrontaliers
Une place centrale du projet concerne les échanges techniques entre les acteurs du projet, c-à-d agriculteurs, enseignants de lycées agricoles, conseillers et chercheurs. Dans le cadre de cette action, des agriculteurs novateurs provenant des différents terroirs de la Grand-Région se sont rencontrer et rencontrer les experts en autonomie alimentaire issus des différentes organisations partenaires. Les agriculteurs novateurs ont présenté les mesures permettant l'amélioration de l’autonomie protéique qu’ils ont testées et mises en place dans leur exploitation. Ces mesures ont été ensuite discutées afin d’identifier les freins limitant mais surtout les leviers favorisant la mise en place de ces techniques innovantes. De plus, des recommandations orientées vers les décideurs politiques ont pu être dérivées de cette action. Cet échange n’a donc pas servi uniquement à fournir des réponses aux questions techniques mais également à la création d'un réseau de coopération transfrontalier durable et persistant au-delà de la durée de vie du projet. Une attention particulière a été accordée aux possibilités d'amélioration de l’autonomie en protéines produites au niveau de la Grande Région grâce à l a réalisation d’un inventaire transfrontalier le plus exhaustif possible des possibilités qui sont offertes. En particulier, un inventaire de coproduits et sous-produits industriels potentiellement intéressants et ayant leurs origines dans la Grand-Région a été compilé. L'objectif est ici de contrôler leur potentiel afin de réduire la dépendance protéique vis-à-vis de produits étrangers. Dans un premier temps, l'autonomie à l’échelle de la Grande Région a été déterminée pour pouvoir ensuite estimer jusqu'à quel niveau l'usage de coproduits régionaux pourront contribuer à l'amélioration globale de l'autonomie protéique de la Grande-Région.
Ainsi quatre échanges transfrontaliers ont été organisés :
- Luxembourg : Préserver les fourrages verts riches en protéines
- Belgique : Le pâturage au service de l’autonomie protéique des fermes laitières
- France : Combiner autonomie protéique et sécurité fourragère par des cultures fourragères innovantes
- Allemagne : Amélioration de l’autonomie protéique des exploitations laitières grâce à des outils de gestion
Chaque échange proposait une première partie d’introduction réalisée par un ou plusieurs experts selon la thématique abordée et plusieurs témoignages d’éleveurs.
Voir délivrable 5.1
Voir délivrable 5.2
WP 6 : Effets d’un "up-scaling", à l’échelle de la Grande Région, des innovations identifiées
Ce volet du projet INTERREG AUTOPROT axé sur l’upscaling ou le changement d’échelle et sur l’élaboration de quatre scénarios d’évolution de la production laitière au niveau de la Grande Région :
- L’agriculture capitaliste ;
- L’agriculture écologique intensive (AEI) ;
- L’agriculture biologique ;
- L’agriculture autonome au niveau de la ferme.
Ces scénarios ont fait l’objet d’une analyse quantitative pour vérifier s’ils pouvaient améliorer l’autonomie protéique à l’échelle locale et régionale. Cela nous a permis d’obtenir une première évaluation de chaque scénario. Ces scénarios ont également été conçus pour servir de point de départ aux échanges entre les participants lors des groupes de discussion, c’est-à-dire d’ouverture au dialogue sur les défis et les opportunités perçus sur les différentes trajectoires. Ils ont fourni un contexte par rapport auquel les acteurs et agriculteurs ont pu considérer leurs arguments.
Voir délivrable 6.1
Voir délivrable 6.2
WP8 : Autonomie en protéines et émissions d’ammoniac dans l’élevage laitier
Dans le cadre de l'action 8 "Ammoniac", une tentative a été faite pour éclairer le lien entre l'alimentation et les émissions de NH3 du point de vue de l'autonomie en protéine. Dans les conditions du projet (années de transition de la réglementation des quotas laitiers à l'abolition complète des quotas) et last but not least en tenant compte des prix, notamment pour l'alimentation animale et le lait.
Voir délivrable 8.2
WP9 : Evaluation de la compétition Feed-Food au sein des élevages laitiers de la Grande-Région
La contribution à la sécurité alimentaire a été étudiée sous deux angles : (1) la compétition de l’élevage avec l’alimentation humaine grâce à l’indicateur d'efficience nette représentant le ratio entre les productions (lait et viande) et les consommations d’aliments par le bétail comestible par l’Homme et (2) l’utilisation de terres cultivables et totales (cultivables + prairies permanentes) par unité de production. L’unité choisie est la protéine, un élément clé des productions animales pour l’alimentation humaine.
Voir délivrable 9.1
Voir délivrable 9.2
Contribution
Le CRA-W est impliqué dans l’ensemble du projet et à divers niveaux de chaque workpackage.
Plus particulièrement, le CRA-W a été responsable des WP4 : Description d’innovations mises en œuvre par des exploitants innovants ou centres de recherche, WP6 : Effets d’un "up-scaling", à l’échelle de la Grande Région, des innovations identifiées et WP9 : Evaluation de la compétition Feed-Food au sein des élevages laitiers de la Grande-Région.
Partenaires
- CONVIS (Lu) : Rocco Lioy
- Lycée Technique Agricole (Lu) : Jeff Boonen
- IDELE (Fr) : Laurence Echeverria
- Chambre d'Agriculture de la Moselle (Fr) : Marcel Albert
- Chambre d'Agriculture des Vosges (Fr) : Damien Godfroy
- SPIGVA (Be) : Pierre Peters
- AWE (Be) : Edouard Reding
- Landwirtschaftskammer für das Saarland (Ge) : Robert Zimmer
- Landwirtschaftskammer Rheinland-Pflalz (Ge) : Nobert Schindler
Financement
CE - Politique régionale - INTERREG V