Contexte
L’agriculture écologiquement intensive et de précision est de plus en plus associée à des technologies de pointe. Ces dernières sont mobilisées pour donner rapidement des informations précises, lesquelles aident les agriculteurs à anticiper ou résoudre certains problèmes leur causant des pertes économiques souvent importantes (Griffon, 2013).
Le bien-être global, l’équilibre sanitaire et nutritionnel d’un ruminant sont la clef de la productivité pour l’éleveur. La composition physico-chimique ainsi que la population bactérienne et parasitaire du tractus digestif jouent un rôle central à différents niveaux dont l’immunité, la nutrition, la pathogenèse et l’évaluation de la santé d’un individu (Langendijk et al., 1995). La connaissance fine de l’utilisation digestive de la ration alimentaire, du métabolisme du rumen, de la population parasitaire et bactérienne de l’animal devrait permettre l’évaluation complète de l’état de bien-être, de l’état sanitaire et donc de la productivité globale de l’animal.
Actuellement l’analyse complète de l’état sanitaire et nutritionnel d’un ruminant passe par la prise d’échantillons différents tels que des frottis cytologiques et microbiologiques, des prélèvements de fluides comme le sang, le lait ou les jus de rumen ainsi que d’autres interventions pouvant stresser l’animal. Les matières fécales peuvent être prélevées de manière moins invasive et représentent un échantillon de grand intérêt dont l’analyse permettrait à elle seule de donner un aperçu global et complet de la productivité de l’animal.
Actuellement les matières fécales sont analysées au CRA-W par spectroscopie proche-infrarouge permettant une détermination des constituants chimiques et biochimiques de l’échantillon (Decruyenaere et al., 2012). Les matières fécales sont un échantillon d’une grande complexité comprenant principalement: des résidus de particules alimentaires, des fibres, des composés chimiques, des bactéries, des parasites. Cette complexité représente une source d’informations encore inexploitée. Les techniques couplant la microscopie et la spectroscopie sont des outils permettant d’augmenter la résolution des analyses et peuvent dès lors permettre de tenir compte de cette source d’informations.
Aujourd’hui l’expertise du CRA-W en spectroscopie vibrationnelle, et en microscopie n’est plus à faire. La conjonction de ces expertises donne au CRA-W l’opportunité d’explorer un maximum des informations contenues dans la matière fécale et d’avoir une position pionnière dans le développement de techniques analytiques de pointe dans ce domaine. L’innovation de ce projet sera la mise au point de techniques de micro-spectroscopie afin d’augmenter l’information tirée de l’analyse des matières fécales.
Objectifs
L’objectif de ce projet, intitulé µfeces, sera le développement de méthodes analytiques rapides et précises pour le screening de l’état de productivité globale d’une vache ou d’un troupeau. L’analyse sera réalisée sur les matières fécales qui sont la signature représentative de nombreux paramètres vitaux de l’animal.
Résultats attendus
Les résultats attendus sont la mise à disposition d’outils d’aide à la décision pour les éleveurs dans le cadre d’une agriculture écologiquement intensive et de précision. Une détection précoce des dérèglements sanitaires et alimentaires permettra d’optimiser la gestion du troupeau. Par exemple, dans le cas d’exploitation à grande échelle, nos analyses permettront de caractériser la variabilité des individus d’un troupeau et d’identifier des sous-groupes pour lesquels l’une ou l’autre ration sera la plus adaptée pour maximiser la productivité d’un individu. En parallèle, ces informations pourront servir à la gestion de problèmes complexes dans les exploitations. A titre d’exemple, l’acidose est un problème majeur chez les vaches laitières hautes productrices mais à l’heure actuelle, il manque d’outils pour le suivi et la prise de décisions. Le management global des fermes semble responsable de l’apparition de cette maladie (Lessire and Rollin, 2013). Les analyses de populations bactériennes et de composition des matières fécales reflèteront ce management global et permettront notamment d’améliorer la gestion du troupeau. Nos recherches permettront également de suivre la population parasitaire du tractus digestif de l’animal, très utiles notamment lors de la première mise en pâture des génisses. En effet, la première année de pâturage du jeune bétail est déterminante. C’est au cours de cette première année que l’immunité contre ces parasites se met en place. Il s’agit d’une immunité acquise qui nécessite un contact entre l’hôte et le parasite. Lorsque la pression parasitaire est trop forte, des problèmes de croissance surviennent (Heckendorn and Frutschi, 2014) ce qui a tendance à retarder la date de première lactation (perte économique importante). Le suivi d’exploitation que nous proposerons permettra de cibler les interventions antiparasitaires du producteur pour éviter les retards sur la première lactation tout en assurant une mise en place correcte de l’immunité. Enfin, l’équilibre bactérien est directement lié à la performance de la ration ingérée par la vache (Hungate, 1966), son analyse permettra également d’affiner la ration alimentaire du troupeau.
Contribution
Le projet s’inscrit parfaitement dans la continuité de la thèse de doctorat du porteur du projet (Quentin Ledoux). En effet, M. Ledoux, à travers le projet INTEGRALE (de la loi Moerman), a été chargé de développer des techniques de microscopie en fluorescence au CRA-W. Les Unités 6, 7 et 16 apporteront leur soutien technique et scientifique pour l’évolution de ce projet.
Partenaires
CRA-W :
- L’unité Mode d’élevage, bien-être et qualité (U7)
- L’unité Nutrition animale et durabilité (U6)
- L’unité Authentification et traçabilité (U16)
ARSIA : (http://www.arsia.be)
Financement
- CRA-W - apport loi Moerman