Contexte
Phytophthora ramorum Werres, de Cock & Man in’t Veld est un agent pathogène exotique. Il a été introduit dans les années 90 aux USA où il a causé de gros dégâts en forêts sur des espèces de Lithocarpus et de Quercus sur la côte californienne et en Oregon (agent de la « mort subite du chêne »). En Europe, et jusqu’en 2009, on le retrouvait sur plantes ornementales en pépinières (Rhododendron et Viburnum principalement) et sur quelques arbres en milieu ouvert (Fagus sylvatica, Q. falcata et Q. rubra) (fig . 1) mais toujours à proximité de Rhododendron infectés, ces rhododendrons constituant les hôtes sporulant nécessaires à l’infection d’espèces forestières et à la dispersion de l’agent pathogène.
En 2009, la situation a changé en Europe avec la découverte d’une épidémie sur mélèze du Japon (Larix kaempferi) dans le sud-ouest de l’Angleterre. Des surveillances entreprises en 2010 et 2011 ont mis en évidence de nouveaux foyers dans des mélézières en Angleterre, mais aussi en Ecosse et en Irlande.
L’épidémie sur mélèze est préoccupante d’une part parce qu’elle constitue la première épidémie en forêt sur arbres d’intérêt commercial en Europe, mais aussi parce c’est la première fois que l’on observe une production importante de spores sur les aiguilles des mélèzes infectés. Les mélèzes constituent donc, tout comme le rhododendron, une source importante d’inoculum. Ce comportement constitue un risque accru pour des essences forestières sensibles à P. ramorum qui se trouveraient à proximité de mélèzes infectés. Un tel scénario a déjà été observé au Royaume-Uni où des espèces telles que Fagus sylvatica, Nothofagus obliqua, Castanea sativa, Betula pendula, Tsuga heterophylla ou Pseudotsuga menziesii se trouvant à proximité de mélèzes se sont révélées infectées.
Phytophthora ramorum est une espèce hétérothallique avec deux types de compatibilité appelés A1 et A2. Les isolats américains sont de type A2. Les isolats européens sont de type A1 à l’exception de 3 souches A2 identifiées en Belgique en 2002 et 2003.
Objectifs
Cette étude comporte deux volets. Le premier concerne le risque de reproduction sexuée chez Phytophthora ramorum (croisement de souche A1 et A2) (objectif 1) et le second concerne l’évaluation du risque de développement de la maladie en forêt en Belgique (objectif 2).
Description des tâches
Objectif 1 (projet PHYRAM, financement SPF Santé Publique Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, 2006-2009): effectuer des tentatives de croisement in vitro entre souche A1 et A2 dans diverses conditions, vérifier la viabilité et la capacité de germination des oospores (spores issues de la reproduction sexuée)
Objectif 2 (projet CONPHYR, financement SPF Santé Publique Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, 2011-2012): constituer un réseau de placettes de suivi de la maladie dans les mélézières en Wallonie, déterminer le pouvoir pathogène de P. ramorum sur les principales espèces de conifères rencontrées en forêt en Belgique et évaluer sa capacité de survie dans des grumes et des écorces.
Résultats obtenus
a) Démonstration du caractère fonctionnel de la reproduction sexuée chez Phytophthora ramorum
Avant le démarrage du projet, des croisements entre souche A1 et A2 avaient été réalisés par diverses équipes européennes et laissaient penser que la reproduction sexuée n’était pas fonctionnelle chez P. ramorum. Aucune descendance viable n’avait d’ailleurs été observée. Or, la démonstration du caractère fonctionnel de la reproduction sexuée chez cet agent pathogène pourrait avoir de sérieuses conséquences en termes d’épidémiologie, notamment en augmentant sa diversité génétique (nouvelle gamme d’hôtes, isolats plus agressifs,…) mais aussi en assurant sa survie dans des environnements défavorables du fait de la production de spores sexuées munies d’une double paroi leur permettant de résister à des stress (hydriques ou thermiques par exemple).
Une méthodologie a été développée pour optimiser la production d’oospores in vitro (Boutet et al. 2009). Des tests complémentaires ont montré que la majeure partie de ces oospores étaient en dormance et capables de germer pour donner des descendances viables (fig. 2) (Boutet et al. 2010).
b) Surveillance en mélézières en Belgique
Un réseau de placettes de surveillance de la maladie a été constitué à partir de données de l’Inventaire Permanent des Ressources Forestières Wallon dépendant du Département Nature et Forêt de la Région wallonne (SPW, DNF, IPRFW), de données des cantonnements forestiers (SPW, DNF) et de données du Département Etude du Milieu Naturel et Environnement (SPW, DEMNA). Au total, 152 placettes ont été sélectionnées selon divers critères (répartition géographique, présence de mélèzes du Japon, type de forêt, taille et âge des peuplements). Ces 152 placettes ont fait l’objet de 2 visites en 2012, au printemps et en été/automne. La maladie n’a pas été identifiée. Un sous-échantillon des parcelles les plus à risque sera suivi au cours des prochaines années.
c) Evaluation du risque pour les forêts de résineux en Wallonie
Des troncs de diverses espèces de conifères présentes dans les forêts wallonnes (Picea abies, Pinus sylvestris, Abies grandis, Pseudotsuga menziesii, Larix Europaea, L. kaempferi et L. x eurolepis) ont été inoculés dans des conditions de biosécurité (utilisation d’un laboratoire de niveau 2Q pour les manipulations d’organismes de quarantaine). Les résultats attendus concernent la sensibilité de ces essences à une infection par P. ramorum. Des essais de survie de l’agent pathogène dans des grumes de conifères ont aussi été réalisés.
Partenaires
- Instituut voor Landbouw- en Visserijonderzoek (ILVO), Eenheid Plant – Gewasbescherming (Dr K. Heungens)
- Région Wallonne, Département Nature et Forêt, Inventaire Permanent des Ressources Forestières (IPRFW), Dr H. Lecomte
- Région wallonne, Département Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA), Dr M. Herman, Dr L. Delahaye
Financement
- CRA-W - Centre wallon de Recherches agronomiques
- SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement