Le projet GenEdit, financé par le service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, est un projet mené par le CRA-W en collaboration avec ILVO (Instituut voor Landbouw-, Visserij- en Voedingsonderzoek) et Sciensano, s’étalant de janvier 2021 à décembre 2023. Le CRA-W est coordinateur du projet. Le but de GenEdit est de développer et évaluer diverses approches pour la détection des organismes obtenus par les nouvelles techniques d’édition de génome (NGT).
Contexte
L’introduction, dans la chaîne alimentaire, d’organismes génétiquement modifiés et l’utilisation de leurs produits dérivés sont strictement réglementées en Europe, et des méthodes adaptées à leur détection sont requises. Depuis 2018, les organismes produits à partir de nouvelles techniques génomiques, telles que les techniques d’édition du génome, sont considérés comme des OGM. En juillet 2023, la Commission Européenne a soumis une proposition concernant la réglementation s’appliquant aux plantes obtenues à l’aide de NGT. Cette proposition permettrait de classer ces plantes en deux catégories : celle des plantes qui seraient considérées équivalentes aux plantes conventionnelles car elles ne présenteraient qu’une modification de moins de 20 nucléotides (NGT1), et celle des plantes porteuses de modifications plus importantes, considérées comme OGM (NGT2).
Objectifs
La recherche proposée vise à répondre à trois questions scientifiques cruciales. Tout d'abord, un état des lieux de la situation actuelle est nécessaire. Nous devons savoir quels organismes ont été modifiés avec des NGT et quelles sont les principales modifications effectuées. En disposer aiderait à décider comment fixer les priorités. La deuxième question se concentre sur la possibilité de détecter les OGM modifiés par des NGT. Toutes les solutions potentielles actuellement discutées par des groupes d'experts ne sont que théoriques car peu de données sont disponibles. Il est également nécessaire de faire la distinction entre les différents types de mutants obtenus et de déterminer si les technologies de détection existantes sont capables de détecter les modifications dans des produits transformés et/ou des matrices complexes. Enfin, la troisième question concerne la différenciation des OGM par la production de métabolites. Nous devons savoir si les stratégies analytiques basées sur la métabolomique et la peptidomique sont capables de détecter les modifications qui permettront de distinguer les organismes modifiés des non modifiés.
Matériel et méthode
Le projet examine l'utilisation de méthodes génomiques telles que la Polymerase Chain Reaction–Restriction Fragment Length Polymorphism (PCR-RFLP), la PCR en temps réel avec sondes à Locked Nucleic Acids (LNA) et Minor Groove Binder (MGB), la technique d’analyse des courbes de fusion à haute résolution (HRM), la PCR digitale en gouttelettes (ddPCR) et le séquençage à haut débit (HTS) pour la détection d'organismes modifiés par des techniques d’édition du génome. En ce qui concerne le HTS, deux stratégies sont considérées : le séquençage d'amplicons et le HTS combiné à des technologies d'enrichissement utilisant des sondes de capture. De plus, des approches métabolomiques et protéomiques sont évaluées pour déterminer leur potentiel de distinction entre les génomes modifiés et non modifiés, et pour savoir si elles pourraient être adaptées comme méthodes de criblage.
Résultats
Une base de données répertoriant 1033 organismes (animaux, champignons et plantes) modifiés par les nouvelles techniques d’édition du génome a été créée. Des tests PCR-RFLP sur des plasmides contenant soit une séquence de colza de type sauvage, soit une séquence mutée, ont montré qu'il est possible de distinguer des fragments d'amplicons digérés à condition qu'ils diffèrent en taille et qu’il soit possible de trouver un site de restriction au niveau du point de mutation. D’autres tests ont été menés afin de déterminer le nombre idéal de cycles PCR (40 cycles), si une purification était nécessaire (non), et le nombre de copies le plus bas auquel cette technique permet d’aller (500 copies). Un protocole de digestion a été rédigé. Les tests PCR en temps réel à l’aide de sondes LNA et MGB ont montré que les deux sondes LNA (ciblant la séquence sauvage ou la séquence mutante) sont spécifiques, alors que seule la sonde MGB ciblant la séquence mutante l’est. De ces trois sondes, seules deux ont atteint la limite de détection à 20 copies. Les tests d’efficience PCR ont révélé qu’aucune sonde ne respecte l’efficience souhaitée. De plus, ces tests ont été réalisés sur trois appareils différents, de trois marques différentes, ce qui a permis de mettre en évidence une variabilité entre les résultats observés sur ces trois appareils. Les tests HRM ont montré que l’ADN génomique et l’ADN plasmidique (contenant soit la séquence sauvage, soit la séquence mutante) sont regroupés dans des clusters différents ; toutefois, il n’a pas été possible de démontrer que cette technique est utile lorsqu’elle est utilisée sur un mélange d’ADN plasmidique avec les deux séquences. Une méthode de ddPCR a été développée, portant sur l’analyse d’une variation d'un seul nucléotide. Cette méthode a passé avec succès les tests de performance portant sur la spécificité, la sensibilité et l'applicabilité. Une approche de séquençage à haut débit basée sur le séquençage d'amplicons a été développée en tant que preuve de concept sur une lignée de riz génétiquement édité. L'approche de séquençage haut débit ciblée a permis de détecter le variant d’un seul nucléotide (SNV) d'intérêt, même au faible niveau de 0,1% dans des mélanges de riz. En ce qui concerne les approches métabolomiques et protéomiques, des essais sur les pommes de terre ont montré que ces approches peuvent détecter des transformations génétiques qui induisent un changement d'activité biologique, mais peuvent être entravées par des bases de données incomplètes et une connaissance manquante de certaines voies métaboliques. Des analyses préliminaires de données non ciblées résultant du traitement de feuilles de chicorée ont montré que le stade de développement des feuilles a un effet plus marqué sur le profil métabolique que le génotype. Ces analyses protéomiques non ciblées n’ont pas permis de distinguer les plantes éditées des plantes non éditées.
Conclusions
La base de données développée dans le cadre du projet GenEdit a fourni un premier aperçu éclairé des organismes NGT existants, ainsi que des informations sur le type d'organismes édités et les techniques utilisées pour les créer. Elle aide à déterminer les gènes les plus fréquemment modifiés et à orienter les stratégies de détection. En ce qui concerne les méthodes basées sur la PCR et l’utilisation de sondes modifiées (LNA ou MGB), la technique doit être optimisée afin de pouvoir être utilisée de manière fiable dans un but de discrimination. La PCR digitale et le séquençage à haut débit appliqué sur un riz NGT (résultats Sciensano) ont montré un potentiel plus prometteur. Enfin, la comparaison des approches métabolomiques, protéomiques et peptidomiques a montré que, s’il est possible de distinguer les génotypes n’ayant pas subi de culture in vitro de ceux qui en ont subi, ces méthodes ne permettent pas d’identifier les échantillons qui ont subi une régénération de protoplastes de ceux présentant des mutations induites par CRISPR (résultats ILVO).
Perspectives
Les travaux réalisés au cours du projet GenEdit ont permis aux trois institutions partenaires d’accumuler de l’expérience et des résultats qui leur ont servi à bien se positionner pour décrocher des projets en lien avec la détection d’OGM créés à l’aide de NGT. Le CRA-W a ainsi pu se positionner dans le projet DETECTIVE financé par l’Union Européenne (convention de subvention 101137025) qui a commencé en janvier 2024. Grâce à l‘expérience acquise dans GenEdit, le CRA-W a pu obtenir une position de leader de work package dans le projet DETECTIVE. Les avancées de GenEdit continueront de se développer dans le projet DETECTIVE.
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