Contexte
Parmi les grandes cultures en Belgique, la pomme de terre est une des plus importantes (70.000 ha). Par ailleurs, il s’agit d’une culture en pleine extension au niveau wallon, principalement en région limoneuse et en Condroz (plus de 10.000 ha supplémentaires en 5 ans).
Le mildiou de la pomme de terre constitue une menace importante pour la culture. Le Centre International de la Pomme de terre (CIP) estime à 15% les pertes globales de production dues à la maladie à travers le monde. Les tentatives visant l’amélioration de la résistance de la pomme de terre au mildiou ont été peu fructueuses car essentiellement orientées vers l’exploitation de gènes majeurs de résistance (11 gènes R) présents dans l’espèce Solanum demissum, gènes le plus souvent contournés par les populations du pathogène. De plus, dans les pays où se pratique l’agriculture intensive, on a aussi trop longtemps considéré que la maladie pouvait être aisément combattue par l’emploi de fongicides. En Belgique par exemple, la variété Bintje est encore produite sur plus de 60% des surfaces plantées en pomme de terre. Cette variété, très sensible au mildiou, nécessite des pulvérisations fongicides fréquentes (jusqu’à 18 traitements par saison de culture). Cette situation n’est généralement pas meilleure avec les autres variétés cultivées en Belgique également très sensibles au mildiou (Charlotte, Fontane, Lady Rosetta, Première, etc.).
L’emploi en grande quantité de pesticides sur les productions agricoles est de moins en moins compatible avec les décisions européennes visant une meilleure préservation de notre environnement. La Décision 1600/2002/CE oblige les Etats à présenter un plan pour la réduction de l’emploi de ces substances ; la Directive 2009/128/CE oblige les Etats à développer la lutte intégrée. En ce qui concerne la pomme de terre, ces objectifs spécifiques ne pourront être atteints si l’on n’oriente pas la recherche vers la mise au point et l’utilisation de variétés plus tolérantes au mildiou.
Au regard de cette évolution, de nouvelles initiatives sont aujourd’hui prises, notamment la recherche et l’emploi, dans les programmes d’amélioration, de gènes de résistance portés par d’autres espèces du genre Solanum (S. bulbocastanum, S. microdontum, S. berthaultii, S. stoloniferum, S. venturii…). L’introduction de ces nouveaux gènes de résistance se fait à la fois par croisements classiques ainsi que par transformations génétiques. En effet, avec le développement des biotechnologies, des nouvelles stratégies visant à diminuer les risques de contournement de la résistance deviennent possibles, notamment par l’empilement de gènes différents isolés d’espèces distinctes et insérés dans des plasmides qui sont ensuite introduits par génie génétique dans le génome des variétés cultivées. Cette technique d’insertion artificielle de gènes de résistance trouvés dans le genre Solanum et qui ont gardé leurs éléments naturels de régulation (promoteur, signal de fin de chaîne, etc.) est appelée Cis- genèse par opposition à la transformation usuelle de Trans-genèse faisant appel à des gènes d’intérêt trouvés ailleurs que dans le genre Solanum et établis dans des constructions plasmidiques synthétiques. Toutefois cette approche, bien qu’acceptée par la profession se heurte parfois aux réticences de composantes de la société.
D’autre part, depuis quelques années sont apparues sur le marché des variétés possédant des niveaux de résistance exceptionnels et, semble-t-il, plus durable. C’est le cas par exemple des variétés Sarpo Mira et Bionica, créées par un long processus (plus de 40 ans) de sélection classique à partir d’espèces sauvages de Solanum. Elles constituent de nouvelles ressources génétiques qui peuvent être utilisées dans des schémas classiques d’amélioration assistés par l’utilisation de marqueurs moléculaires ciblant ces gènes, pour accroître le niveau de résistance de variétés commerciales disposant de caractéristiques agronomiques et d’utilisation plus favorables.
Le développement des techniques de sélection assistées par marqueurs moléculaires permet aussi d’évaluer plus précocement la présence effective des gènes désirés et leur ségrégation dans une population issue de croisement, allégeant ainsi considérablement la charge de travail que constitue l’amélioration de la pomme de terre.
Objectifs
L’objectif général du projet est l’obtention de clones/variétés améliorés pour une résistance durable au mildiou. L’amélioration du comportement des variétés est envisagée par l’utilisation des techniques classiques de croisement en utilisant toutefois le potentiel des nouvelles techniques (cis-genèse, technique de sélection assistée par marqueurs moléculaires) et des nouvelles ressources génétiques (nouveaux gènes R). Grâce aux nouveaux moyens qu’il dégagera, le projet permettra d’intensifier et d’amplifier le programme de sélection de la pomme de terre mis en place depuis 2005 au niveau du Département Sciences du Vivant.
Le projet cadre parfaitement avec le contrat d’objectifs dont s’est doté le CRA-W pour les prochaines années et notamment avec l’objectif de développement de travaux de recherches pour une agriculture écologiquement intensive: les innovations pour assurer une production alimentaire durable, l’efficience des facteurs de production, la gestion intégrée et dynamique des facteurs de production, l’adaptation aux changements, sont des objectifs auxquels la création de nouvelles variétés résistantes ou plus tolérantes au mildiou peut certainement participer.
Résultats attendus
Le projet vise l’obtention de nouvelles variétés de pommes de terre possédant des caractéristiques améliorées pour la résistance au mildiou (Phytophthora infestans) de la pomme de terre. Le projet GEREPHYTI contribuera à amplifier et à spécialiser les activités de sélection de la pomme de terre déjà en cours au niveau du Département Sciences du Vivant et conduites par hybridation classique, grâce :
- à la mise au point et au développement des techniques de transformation par cis-genèse, pour la constitution d’un pool de géniteurs possédant un ou plusieurs gènes de résistance stables trouvés dans le genre Solanum,
- au développement de la sélection assistée par marqueurs moléculaires,
- à la constitution d'une collection de géniteurs validée pour la présence de gènes de résistance en vue de son utilisationdans le programme d'hybridation.
Résultats obtenus
Le projet Gerephyti a contribué à la sélection de génotypes améliorés quant à leur résistance à Phytophthora infestans, au moyen de :
1. La maîtrise de nouvelles méthodes d’analyse de la résistance au mildiou et de création de matériel amélioré :
- Meilleure maîtrise de la culture des géniteurs destinés aux croisements.
- Mise au point du test sur feuilles détachées, un protocole pour tester la sensibilité au mildiou en laboratoire.
- Détection de la présence de gènes de résistance à l’aide de marqueurs moléculaires
- Utilisation de ressources génétiques d’origine sauvage.
- Développement de la cis-genèse pour l’amélioration de la résistance au mildiou de variétés cultivées, et obtention de plus de 15 clones cis-géniques pour 3 variétés (Lady Rosetta, Charlotte et Louisa).
- Étude de l'interaction entre la pomme de terre et les molécules spécifiques de infestans appelées effecteurs.
2. L’évaluation de la résistance au mildiou de variétés commerciales, en vue de leur utilisation comme géniteurs : 127 variétés testées dans les conditions pédo-climatiques et épidémiologiques belges, dans des essais au champ sur les sites de Libramont et Gembloux.
3. L’implémentation de la collection in vitro, avec les clones les plus anciens issus du programme d’amélioration classique, les variétés commerciales présentant un bon niveau de résistance au mildiou, les Solanum sauvages et l’ensemble variétés cis-géniques
4. Le transfert du matériel amélioré vers la filière pomme de terre : les agriculteurs ont la possibilité de tester les clones dans leurs conditions de culture. Actuellement, 5 clones sont en cours d’évaluation chez 4 agriculteurs.
5. L’inscription de la variété Louisa au catalogue national des variétés : une variété destinée à la production industrielle de chips, et qui possède une bonne résistance au mildiou (sans être totalement résistante).
Financement
- CRA-W - apport loi Moerman