Du
01 Octobre 2014
au
30 Septembre 2018

GLUTEN

Recherche de ressources génétiques d’épeautre et de blé ayant une moindre incidence sur l’intolérance au gluten et développement d’outils de sélection; étude de l’impact de la sélection et des conditions culturales sur la maladie coeliaque.

Contexte

Le gluten, composé naturellement présent dans les céréales panifiables telles que le blé, l’épeautre, l’orge ou le seigle, regroupe la majorité des protéines de réserves se trouvant dans leurs grains. Le gluten présent dans les farines de ces céréales confère à la pâte des propriétés viscoélastiques indispensables à la confection de pains. Toutefois, certaines protéines du gluten peuvent s’avérer toxiques et plusieurs troubles liés à la consommation de gluten existent. La maladie cœliaque (dont il est question dans ce projet) et l’allergie aux protéines de blé sont deux exemples de pathologie où le système immunitaire réagit excessivement à la présence de certaines de ces protéines. A côté de ces deux maladies, le terme de « sensibilité non cœliaque au gluten » est apparu afin d’établir le diagnostic de patients ne souffrant ni de la maladie cœliaque, ni d’allergie aux protéines de blé mais observant une amélioration de leur état de santé lorsqu’ils suppriment le gluten de leur alimentation. Les causes de cette sensibilité ne sont toutefois pas encore clairement établies.

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune chronique liée la consommation de gluten qui affecte une fraction de la population (de l’ordre de 1%). De par leur contenu élevé en prolines et en glutamines, les protéines du gluten sont partiellement résistantes à la digestion protéolytique. Les peptides du gluten résultant d’une digestion partielle peuvent contenir des épitopes (courtes séquences d’acides aminés) déclenchant, chez les patients cœliaques, une réponse immune inflammatoire. La prévalence de cette maladie est en augmentation ; une des causes suspectées de cette augmentation est l’introduction, au cours de la sélection, de modifications au niveau de la composition du gluten des variétés de blé modernes. L'introduction précoce du gluten dans l'alimentation, sa large utilisation comme additif alimentaire et l'amélioration des moyens de diagnostic sont d'autres éléments avancés pouvant expliquer cette augmentation de la prévalence de la maladie coeliaque.

L’existence, entre variétés de blé, d’une variabilité génétique au niveau des protéines du gluten (et donc au niveau du contenu en séquences immunogènes) a été mise en évidence par différents auteurs et représente une possibilité de développer des variétés peu ou non immunogènes. L’épeautre, céréale rustique proche du blé, a fait l’objet de très rares études dans ce domaine. Le développement de ressources peu immunogènes d’épeautre constituerait un créneau intéressant pour cette céréale qui bénéficie d’une réputation « santé » par rapport au blé.

Objectifs

L’objectif général de ce projet est de développer des outils et des connaissances en vue d’obtenir des variétés consommables par des patients cœliaques ainsi que de mettre en évidence des modalités de production favorisant la réduction des facteurs pathogènes. Cet objectif est poursuivi via une triple approche : étude de la variabilité et de l’expression des gènes impliqués en fonction des variétés et des génomes mais également en fonction de l’itinéraire phytotechnique (influence de la quantité d'azote apporté sur l'expression des épitopes immunogènes ; caractérisation du contenu immunogène d’un point de vue protéines (via des techniques immunologiques) et évaluation des propriétés technologiques et de l'aptitude à la transformation des variétés en fonction de leur contenu immunogène. L’étude porte sur une large collection de races locales, de variétés anciennes et de variétés modernes d’épeautre et de blé ainsi que sur des espèces apparentées (ancêtres). En outre, l’étude de la variabilité de gènes codant pour des protéines du gluten constitue un relevé de la diversité existante.

Description des tâches

 - Etude de la variabilité génétique de séquences de protéines du gluten et mise au point de marqueurs moléculaires d’expression des épitopes immunogènes inclus dans ces séquences.

 - Evaluation et mise en évidence de ressources génétiques utilisables dans un programme d’amélioration (caractérisation d’une collection d’un point de vue immunologique, génétique et technologique).

 - Etude de l’impact de la phytotechnie (apports d’azote) sur l’expression d’épitopes immunogènes.

 - Etude de l’impact de la sélection du siècle passé sur le contenu immunogène des variétés modernes.

 - Evaluation des propriétés technologiques et de l'aptitude à la transformation des variétés.

Résultats obtenus

Le volet biologie moléculaire a débuté par l’étude de la variabilité génétique au niveau de séquences immunogènes particulières (les α-gliadines) retrouvées chez l’épeautre et le blé notamment. L’utilisation de données obtenues à l’aide de marqueurs microsatellites a permis de sélectionner 11 génotypes contrastés d’épeautre, jugés représentatifs de la diversité existante. Sur cette base, plus de 500 séquences d’α-gliadines ont été clonées et séquencées, révélant une grande variabilité quantitative et qualitative au niveau des épitopes retrouvés dans chacun de ces génotypes. Ces résultats ont été valorisés sous forme d’un article et d’un poster.

L’ensemble de ces résultats a servi de base au développement de marqueurs moléculaires (sondes TaqMan) afin de quantifier l’expression des épitopes immunogènes pour chacun des 11 génotypes contrastés. Le choix du type de marqueur moléculaire développé s’est porté sur les sondes TaqMan qui permettent de discriminer les épitopes problématiques de variants alléliques qui ne présentent pas de toxicité. Le développement de ces marqueurs a aussi fait l’objet d’un article et d’un poster.

Ces sondes TaqMan ont ensuite été appliquées à une collection de plus de 130 génotypes d’épeautre afin d’étudier l’expression des épitopes immunogènes et d’évaluer de potentielles différences en fonction de la zone géographique dont les génotypes proviennent mais aussi de la période à laquelle ils ont été obtenus (effet de la sélection). La possible influence de la quantité d’azote apportée au champ sur l’expression des épitopes immunogènes a aussi été analysée à l’aide des sondes TaqMan développées. Ces résultats font l’objet d’une nouvelle publication qui est en cours de rédaction.

L’évaluation des ressources génétiques assemblées pour ce projet a aussi été réalisée au niveau des protéines. Pour ce faire, des techniques immunologiques (ELISA et Western Blot) et de spectroscopie dans le proche infrarouge ont été employées. Les techniques immunologiques ont permis d’évaluer la réactivité de farines de différents génotypes de blé et d’épeautre à deux anticorps commerciaux couramment utilisés. De grandes différences de réactivité ont été observées, à la fois pour le blé et pour l’épeautre. Les génotypes d’épeautre se sont montrés en moyenne légèrement plus réactifs que ceux de blé, même si des génotypes présentant une faible réactivité ont été rencontrés chez les deux sous-espèces. De plus, aucune influence de la sélection sur la réactivité des génotypes n’a pu être mise en évidence.

La spectroscopie dans le proche infrarouge a été utilisée pour mesurer plusieurs paramètres définissant la qualité technologique des farines : l’humidité, la teneur en protéines, l’indice Zélény et la dureté des grains. Les résultats obtenus via cette technique ont été mis en relation avec ceux obtenus par ELISA mais aucune corrélation n’a pu être établie. Un article scientifique valorisant les résultats obtenus dans cette partie du projet est en cours de publication.

Enfin, l’influence de la méthode de fermentation sur la réactivité du pain aux anticorps utilisés en ELISA a été étudiée selon 2 modalités de fermentation : une fermentation de type court (30 minutes) et une autre de type long (16 heures). Cet essai n’a pas montré de différence significative de réactivité entre les 2 types de fermentation.

Partenaires

UCL, Earth and Life Institute (ELI), Pierre Bertin

Financement

  • CRA-W - apport loi Moerman