Contexte
La valorisation du compost est ici étudiée afin de répondre à une double problématique.
La première réside dans l’obligation, suite à la mise en place de la Directive Nitrate au sein de la Région wallonne et des limitations en terme d’apports de fertilisant organique qu’elle impose, d’épandre les engrais de ferme sur la plus grande partie des surfaces de l’exploitation. Ainsi, les exploitations herbagères qui valorisaient majoritairement leurs effluents sur les prairies de fauche et sur les cultures doivent trouver une solution afin de pouvoir valoriser leur fumier sur les prairies pâturées. Le compost semble être une alternative intéressante, mais quelle est sa valeur fertilisante ? Quand faut-il l’appliquer ? Ne va t-il pas modifier l’appétence de l’herbe ?
La seconde est posée par l’agriculture biologique, mode de production auquel la Région wallonne voudrait reconvertir 10 % de sa SAU d’ici 2010. En effet, ce mode de production préconise l’utilisation du compost comme base de la fertilisation des cultures. Quelles sont les performances possibles en tenant compte des disponibilités en matières organiques au sein du système ? Faudra-t-il envisager l’apport de compléments tant du point de vue de la fumure de fond en phosphore et en potasse que de l’azote à des stades clés du développement des cultures ?
Objectifs
L’objectif de ce projet est donc de répondre à cette double problématique.
En ce qui concerne la valorisation du compost au sein des prairies pâturées, de nombreux essais, dont certains de très longue durée, ont été mis en place par P. Limbourg dès 1979. Ces essais ont pour principal objectif de définir (1) la valeur du compost en tant que fertilisant et amendement et ce, en fonction de son degré de maturité et de sa période d’application, ainsi que (2) l’impact de son utilisation sur l’appétence de l’herbe et sur les performances animales.
Dans le cadre de la valorisation du compost dans les systèmes conduits en respectant les règles de l’agriculture biologique, un essai de longue durée a été initié en 1998. Il vise à réaliser un bilan de fertilisation (NPK) au sein d’un système viandeux de type ‘Centre Ardenne avec Productions Spéciales’.
Résultats obtenus
-) Valorisation du compost sur les prairies pâturées
Les résultats obtenus par P. Limbourg (2001) soulignent le potentiel du compost dans ce contexte. Il démontre que 15 à 25 % de l’azote (N) contenu dans cet engrais de ferme ; cette fraction étant inversement proportionnelle au degré de maturité du produit ; est valorisé dès l’année d’application et ce, quelque soit la période d’application. Lorsque l’on prend en compte les arrières effets, plus de 90 % de l’azote total apporté sont valorisés au bout de la décennie qui fait suite à l’application du compost, en raison de l’augmentation du stock d’humus qu’il induit.L’apport de 10 T de compost par hectare et par an couvre donc à lui seul les besoins d’entretien en P, K, Ca, Mg et oligo-éléments d’une prairie exclusivement pâturée.Il faut également souligner que l’utilisation d’un compost mature ou d’un compost jeune, c’est à dire n’ayant subi qu’une aération, soit un seul retournement et donc une seule montée en température, n’a d’impact ni sur l’appétence, ni sur la composition du couvert : les performances des animaux sont dès lors maintenues (Limbourg et al. 2001). L’utilisation du compost favorise même le développement du trèfle.Du point de vue environnemental, la valorisation du compost sur les prairies permanentes pâturées exprime de nombreux avantages : suppression des mauvaises odeurs, action en tant que puits de carbone dans le sol (Lecomte et al. 2002), avec la fixation annuelle de 1 à 1,5 T de carbone par hectare en fonction des doses apportées. Cependant, il faut rester attentif aux doses appliquées en raison de l’expression d’arrières effets importants. Ainsi, sur des prairies pâturées, l’apport répété de compost à des doses de l’ordre de 20 T/ha/an présente des risques de fuite de nitrates équivalents à ceux d’une fumure azotée minérale inférieure ou égale à 150 kg d’azote par hectare (Limbourg et al. 2001).Afin d’explorer plus en avant cette problématique, un bilan azoté a été réalisé (Stilmant et al. 2004), durant 6 années (1995-2000), dans 2 systèmes pâturés par des jeunes bovins sous un chargement de 1506 kg de poids vif/ha. Le pâturage était de type tournant simplifié sur 3 parcelles, une parcelle étant débrayée pour la fauche au printemps. Un de ces systèmes n’a reçu, pour toute fumure, que du compost de fumier à raison de 16,7 T/ha sur les parcelles pâturées et de 35,5 T/ha pour les parcelles fauchées et pâturées. Le 2ème système ne recevait que des engrais minéraux de manière à assurer des disponibilités et qualités d’herbe équivalentes entre systèmes. Les apports en azote ont été dans ce cas de 0, 13,5, 27, 33, 47 et 75 kg d’N/ha respectivement de 1995 à 2000 alors que les doses de P et de K étaient respectivement, de 50 et 60 unités sur les parcelles exclusivement pâturées contre 100 et 120 unités sur les parcelles fauchées et pâturées. L’ensemble du dispositif a été dupliqué. Afin de réaliser le bilan de l’N à l’échelle de chacune des parcelles nous avons pris en compte l’N utile (Nu) apporté par le compost : effets directs de 15 et 25 % respectivement pour un compost mature et jeune, arrières effets de respectivement 10 et 8,6 % durant les 7 années ultérieures. Les autres entrées sont la fixation d’N par le trèfle blanc et les apports par les compléments alimentaires du bétail. Pour ce qui est des sorties, nous avons quantifié les exportations par les animaux, les exportations par la fauche et les pertes sous forme gazeuse.Suite aux 6 années d’essais, la fertilisation organique (62,4 kg/ha) a apporté, l’un dans l’autre, 2 fois plus d’Nu que la fertilisation minérale (31,8 kg/ha). Le 2ème grand pool, qui représentait 41% des intrants, venait de la fixation symbiotique de l’N par le trèfle. Globalement les intrants ont été de 135 et 98 kg/ha/an respectivement dans les schémas ‘tout organique’ et ‘tout minéral’. Pour ce qui est des exportations, elles sont, suite à la fauche, dépendantes du mode d’exploitation (pâture ou fauche-pâture). Seules les pertes par volatilisation, toujours inférieures à 10 % de l’Nu, sont modulées par le type de fertilisation. Sur cette base, les soldes d’Nu, significativement influencés par le mode de fertilisation et d’exploitation, sont de 62,9 et 79 kg/ha au sein des parcelles exclusivement pâturées et de 5,1 et 36,8 kg/ha suite à une exploitation mixte lors, respectivement, d’une fertilisation ‘tout minéral’ ou ‘tout organique’. In fine l’efficience d’utilisation de l’N est moindre dans le système ‘tout organique’ : 46 % versus 65 %. Cette moins bonne efficience doit cependant être relativisée car lors de la réalisation d’un bilan à l’échelle de l’exploitation la valorisation des effluents limite l’importation d’N ! Mais pour y parvenir, tout en améliorant les performances environnementales des prairies pâturées ne recevant que du compost, il faut veiller à limiter les apports de compost à 10 T/ha, ce qui représente la disponibilité offerte par un chargement de 1,8 UGB/ha et correspond, à l’équilibre, à la libération de ± 55 kg d’N/ha.
-) Valorisation du compost dans les systèmes en agriculture biologique
Le système étudié a 45 % de ses surfaces qui entrent dans une rotation en 7 années : 3 années de prairie temporaire, une année d’épeautre (culture de rente), une année de triticale, une année de pomme de terre (culture de rente) et une année de triticale-pois. La disponibilité en compost est liée au chargement animal qui est de 1,7 UGB/ha, ce qui correspond à 7,6 T de compost par hectare et par an. Ce compost est réparti à raison de 15 T/ha tous les trois ans sur les prairies permanentes et de 15 T/ha sur les 1ère et dernière années de prairie temporaire, sur le triticale avant les pommes de terre et, à raison de 30 T/ha sur cette dernière. La composition du compost est en moyenne, par tonne de produit frais, de 6 unités d’azote, de 4,5 unités de phosphore et de 6 unités de potasse. L’évolution des quantités et qualités produites est enregistrée parallèlement à celle de la fertilité du sol.
Sur l’ensemble des 5 années de suivi, les rendements ont été tout à fait raisonnables au niveau des fourrages : 5 T/ha l’année d’implantation et 10 T/ha les années de pleine exploitation, déduction faite des pertes au fanage, de l’ordre de 20 % pour ces mélanges riches en légumineuses. En ce qui concerne les pommes de terre des rendements normaux de près de 30 T/ha ont été enregistrés. Par contre les céréales ont souffert d’un manque d’azote, ce qui se traduit par des rendements de l’ordre de 2,5 T/ha à 3,2 T/ha suite à une association avec du pois.Ces performances ont conduit à des exportations moyennes de l’ordre de 22 kg de P et 127 kg de K/ha/an. Ces exportations étant couvertes, en ce qui concerne le phosphore, par les apports de compost, alors qu’un déficit de 71,8 kg/ha/an se marque pour la potasse. Afin d’atteindre l’équilibre, un apport de K sera donc nécessaire, par exemple sous forme de patenkali à une dose de 300kg/ha/an.
Contribution
La Section Systèmes agricoles est le porteur du projet. Elle s'occupe de la mise en place et du suivi de ce dernier, ainsi que de l'analyse des résultats.Coordinateur hors CRA-W
STILMANT Didier (Inspecteur général scientifique)
Rue de Serpont, 100
B-6800 Libramont
Tel. : + 32 (0) 61 / 23.10.10
Fax : + 32 (0) 61 / 23.10.28
E-mail : stilmant@cra.wallonie.be
Financement
- CRA-W - Centre wallon de Recherches agronomiques