11 Février 2021

Le programme de création variétale de pommes de terre

La création variétale au CRA-W… pour un meilleur contrôle du mildiou de la pomme de terre

Le mildiou, ravageur n°1 de la pomme de terre

Chaque année, les producteurs de pommes de terre redoutent l’apparition du mildiou, Phytophthora infestans, dans leurs cultures. Cette maladie peut faire d’énormes ravages et détruire l’ensemble du feuillage si des moyens ne sont pas mis en œuvre pour la contrôler. La cause : une utilisation quasi généralisée de variétés sensibles et une météo favorable au développement épidémique de la maladie. Pour se prémunir des premiers symptômes, les pulvérisations répétées de fongicides (parfois 15 à 20 traitements durant une saison) restent la principale arme. Malgré la transition vers une agriculture raisonnée et une limitation des traitements fongicides aux seuls cas où cela est nécessaire, l’impact environnemental et sociétal reste important. Une autre stratégie pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre consiste en l’utilisation de variétés de pommes de terre peu sensibles, voire résistantes. La culture de ces variétés permet une réduction de l’emploi de fongicides tout en maintenant la culture dans un bon état sanitaire. Néanmoins, par le passé, la gamme de variétés résistantes disponibles restait faible et la qualité technologie des meilleurs candidats ne permettaient pas de répondre aux besoins du marché. Actuellement, une nouvelle dynamique est en route en Europe et le panel des variétés tolérantes ne cesse d’augmenter. Le Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W) participe à ce travail ; l’inscription au catalogue en 2017 de la variété Louisa en est un bel exemple.

Un programme d’amélioration orienté vers la résistance au mildiou

L’amélioration de la résistance au mildiou constitue l’objectif du programme de sélection variétale du CRA-W, depuis son commencement en 2005.

Le point de départ du schéma de sélection consiste à croiser entre elles deux variétés de pommes de terre, alors appelées géniteurs ou parents, afin de rassembler dans une seule variété les qualités des deux parents. Le choix des géniteurs est une étape cruciale. Le niveau de résistance au mildiou est vérifié dans les conditions pédo-climatiques et épidémiologiques locales, sur les sites d’essais du CRA-W à Gembloux et Libramont. Les variétés qui présentent un comportement peu sensible sont conservées, sous forme de plants et in vitro, afin d’être utilisées comme parents.

Photo en-tête : croisement sur fleurs de pommes de terre

Lorsqu’un croisement fonctionne, la plante de pomme de terre produit des fruits (ou baies), qui contiennent chacune plusieurs dizaines, voire centaines de graines. L’année qui suit les croisements, les graines sont semées et la plante produit alors la première génération de tubercules. On parle alors de clones : à partir de cette étape, les tubercules seront multipliés par voie végétative pendant tout le processus de sélection. Ensuite, les clones doivent être multipliés d’une part, et sélectionnés d’autre part. Si l’objectif du programme réside dans l’amélioration de la résistance au mildiou, une série d’autres critères de sélection sont appliqués : aspect des tubercules (forme, couleur, profondeur des yeux), répartition du calibre, rendement, qualité culinaire et technologique, sensibilité au virus Y. Ces données sont collectées progressivement, année après année, sur base des résultats de différents essais agronomiques. Il s’agit d’un travail de longue haleine, et on estime généralement qu'il faut semer 100000 graines pour obtenir une nouvelle variété. En termes de durée, on compte en général 10 à 12 ans entre les croisements et l’inscription au Catalogue National des Variétés.

 

Des essais agronomiques pour la caractérisation des variétés et des clones

Chaque année, le CRA-W évalue les clones provenant du programme d’amélioration et les nouvelles variétés de pomme de terre issues d’obtenteurs étrangers.

Un premier essai (dénommé VCU, ou Valeur Culturale et d’Utilisation) permet de caractériser les clones et, en termes de rendement, de valeur culinaire et d’utilisation. Les clones sont comparés à des variétés de référence (chairs fermes, chairs tendres, chips, frites) et installés suivant 3 répétitions en blocs aléatoires complets, au sein de micro-parcelles de 2 lignes de 9 plantes. La parcelle est conduite à la manière d’une parcelle de production de pommes de terre de consommation. Différents paramètres sont évaluées : rendement, répartition du calibre , poids sous eau (PSE). Des tests de cuisson et des tests culinaires (jury de dégustation) sont réalisés à partir de la récolte afin de déterminer le type culinaire :

  • Type A : pomme de terre à chair fine, ferme, peu ou pas farineuse, aqueuse à modérément aqueuse et ne présentant pas de délitement lors de la cuisson. Ce type de pommes de terre convient parfaitement pour les salades, les pommes vapeur ou la cuisson en robe des champs.
  • Type B : pomme de terre à chair assez fine, assez ferme, un peu farineuse et se délitant peu à la cuisson. C’est une pomme de terre à toutes fins, convenant pour la confection de la plupart des plats.
  • Type C : pomme de terre à chair farineuse, sèche, plus tendre et grossière, présentant un délitement assez prononcée lors de la cuisson. Ce type de pommes de terre convient essentiellement à la confection de purée, pour la cuisson au four, et à la friture.
  • Type D : pomme de terre à chair très farineuse, sèche, se désagrégeant presque entièrement à la cuisson. Il s’agit d’une pomme de terre féculière ou destinée à l’alimentation animale.

 

Un second essai (dénommé MILVAR) consiste à comparer les clones et variétés à des variétés de référence afin d’évaluer la résistance au mildiou du feuillage. Les variétés sont installées suivant 3 répétitions en blocs aléatoires complets, dans des micro-parcelles de 25 plantes. 4 variétés de référence complètent l’essai : Bintje, Agria, Gasoré et Sarpo Mira. Chaque parcelle est entourée de 2 lignes de plantes de la variété Bintje (très sensible au mildiou) afin de disposer d’un inoculum homogène au sein de la parcelle d’essai. Aucune protection fongicide n’est appliquée et le suivi de la dynamique de destruction du feuillage est réalisé par la cotation du pourcentage de destruction du feuillage, à raison de deux observations par semaine.

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Photo de l’essai non-traité : un clone résistant au premier plan, entourée de la variété sensible Bintje

‘Louisa’ : la variété de pomme de terre belge, sélectionnée au CRA-W

Depuis 2017, le Catalogue National compte une nouvelle variété de pommes de terre : la variété Louisa, issue d’un croisement entre les variétés Gasoré et Victoria. Louisa possède une bonne résistance au mildiou (sans être totalement résistante) et est destinée à la production industrielle de chips. La forme de ses tubercules est bien adaptée à ce genre d’utilisation, la production est très régulière et d’un rendement comparable à celui des variétés usuelles dans cette catégorie (Lady Claire, VR808, Lady Rosetta et Saturna, toutes variétés par ailleurs très sensibles au mildiou), la coloration à la friture est bonne et stable dans le temps. Louisa est développée par un mandataire, partenaire du CRA-W, la société Comexplant (Haulchin), qui organise la mise en place de la production à plus grande échelle, en agriculture conventionnelle et biologique.

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Photo : chips de la variété Louisa

Deux demandes d’inscription au Catalogue National ont été déposées récemment, pour des inscriptions potentielles en 2022 et 2023.

L’amélioration de la résistance au mildiou devient, lentement mais sûrement, une priorité chez les obtenteurs de variétés de pommes de terre. Le nombre croissant de variétés peu sensibles montre le dynamisme actuel dans le secteur. La résistance variétale doit à présent trouver sa place dans les schémas de lutte contre le mildiou, au même titre que la protection fongicide et les mesures prophylactiques. Le changement est en marche !

 

 

 

 

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