Alors qu'une entreprise de la grande distribution vante la durabilité d'un de ses nouveaux produits, notre collègue Séverine Lagneaux, Anthropologue spécialiste de l'élevage, nuance: Réduire un système à un seul critère : la couleur d’une poule, la couleur d’un œuf, ça pose différents problèmes et ça laisse en suspens de nombreuses questions.
La poule blanche et son oeuf font réfléchir à la durabilité. 4 questions principales surgissent:
1. Qui sont ces poules blanches?
Toute poule blanche ne pond pas des oeufs blancs. A quelles poules brunes sont-elles comparées? Il existe plusieurs races et souches de poules blanches ou brunes. leur appétit et leur production moyenne d'oeufs varient.
2. D'où viennent ces poules?
Il existe un monopole sur la génétique de la volaille "standard" productrice d'oeufs blancs, ce qui pose notamment plusieurs problèmes:
- d'ordre sanitaire avec un risque encouru de propagation de maladie
- d'ordre éthique aussi car cela diminue la biodiversité des volailles d'élevage
- sans parler des aspects économiques qu'une telle emprise sur le marché impacte.
3. Dans quel milieu sont-elles élevées?
Que mange cette poule blanche? Outre la quantité mangée, la composition de la ration alimentaire de la poule impacte énormément la durabilité.
Quelle est la provenance de l'alimentation des poules pondeuses ? En effet, si les céréales sont produites à l'autre bout du monde, le bilan Carbone sera plus élevé que dans le cas où les céréales sont produites à proximité de l'élevage.
Dans quel type d'élevage croit-elle? Un élevage bio où les poules accèdent à un espace extérieur ouvert et s'inscrivent dans des pratiques agroécologiques de fertilisation des sols par exemple, avec des oeufs vendus sur un marché de proximité se révèle plus durable qu'un élevage industriel inscrit dans une filière commerciale longue.
Quel sens a ces élevage: quel métier et quelle vie pour l'éleveur de pondeuse? Prend-il les décisions ou est-il un exécutant?
4. Que deviennent ces poules et leurs oeufs?
Il existe des volailles que l'on dit à 2 fins: elles produisent des oeufs et de la viande. cette déspécialisation des filières pourrait s'avérer plus durable au sens systémique que les volailles de ponte d'une part et de chair d'autre part.
Enfin, en Belgique, les consommateurs se tournent majoritairement vers les oeufs à coquille brune. Un changement de représentation et de comportement alimentaires est donc aussi à considérer pour vendre un produit.
Au final, lorsque l'on parle de durabilité, on parle de système! Réduire cette approche systémique à un seul facteur, celui de la couleur d'un animal par exemple s'avère limitatif. Outre la blancheur d'une plume ou d'une coquille, c'est surtout le milieu d'élevage, la filière de production avicole et celle de valorisation des ovoproduits que nous devons penser pour rendre notre assiette durable.
C'est donc un petit pas qui est fait ici, c'est une adaptation à la marge qui cache la nécessité de repenser plus largement tout un système pour plus de durabilité!