Le retour des matières organiques se fait naturellement par le pâturage, ou alors par épandage après que les animaux aient passé du temps en stabulation. Aujourd’hui, par l’apport d’engrais minéraux et/ou la spécialisation des fermes, il arrive que ces engrais organiques ne soient pas considérés à leur juste valeur ou que leur gestion ne soit pas optimisée.
Des quantités importantes
Les quantités d’engrais de ferme produites en Wallonie ont été estimées en 2008, dans le cadre de la Convention Contasol (SPW DPS – CRA-W - Agra-Ost), à 1,2 millions de tonnes de matière sèche/an (ou 7,5x106 T de matière fraîche), principalement sous forme de fumiers (78 % des MS), et de lisiers (18 %). Leur origine principale en Wallonie est l’élevage bovin, même si depuis cette étude la part des volailles a augmenté, en particulier en bio.
Cela représente de très grandes quantités d’éléments fertilisants (cf. photo).
À ces quantités, il convient de rajouter les déjections produites et restituées au pâturage (pissats, bouses), ainsi que tous les autres éléments secondaires et mineurs (Ca, Mg, S, oligoéléments, …), sans oublier la matière organique et le carbone qu’elle contiennent.
Mais ces engrais de ferme présentent de très fortes variations de composition suivant leur nature (fumiers, lisiers, etc) le type d’élevage (laitier, viandeux, etc) le mode de production (intensif, classique, bio), le mode de stabulation, etc. Un préalable à leur valorisation optimale est d’en connaître leur composition.
Etant très hétérogènes, il convient de les échantillonner correctement. Le document « Comment faire un bon échantillon ? »1 explique en détails comment procéder, sans quoi l’analyse ne serait d’aucune utilité.
Gestion
Pour les fumiers suffisamment pailleux, le compostage présente de nombreux avantages qu’on peut résumer ainsi :
- Assainissement : destruction des graines d’adventices et des germes pathogènes (maladies des plantes,…) ;
- Homogénéisation ;
- Réduction des pertes d’azote à l’épandage et des odeurs ;
- Réduction de la masse à épandre de + 50 %, et produit grumeleux plus facile à épandre ;
- Utilisation sur plus de cultures et prairies (pâturées, pas de refus d’appétence) ;
- Un bilan humique plus élevé qu’en cas d’application de fumiers bruts2. L’assainissement est très important en bio, et pour tout qui veut réduire le salissement des terres et des prairies, ainsi que les maladies.
Tous les détails figurent dans le Livret de l’agriculture3 et dans la vidéo « Le compostage du fumier »4, réalisée par la FUGEA avec B. Godden et J.M. Velghe.
Il faut insister sur le fait que la phase active du compostage ne dure que quelques semaines, et qu’on entre après dans des périodes de maturation et de stockage, qui réduisent légèrement les effets bénéfiques sur la vie du sol et qui, par temps pluvieux, présentent des risques de pertes de potassium, élément fertilisant très soluble.
Les coûts de compostage sont compensés par les gains à l’épandage, ainsi que calculés dans le tableau ci-dessous pour les situations suivantes.5
Tableau 1 : Coûts de compostage et gains à l’épandage
Situations | Matières épandues | Chargement (ferme) | Dépôt champ | Retournement/ Compostage |
Chargement (champ) | Epandage | Coût total | Coût/m³ de fumier frais |
1 | Fumier frais épandu directement par l'agriculteur | 833 € | - | - | - | 8.281 € | 9.114 € | 6,08 € |
2 | Fumier stocké bord de champs et épandu par l'agriculteur | 833 € | 3.726 € | - | 708 € | 5.729 € | 10.546 € | 7,03 € |
3 | Fumier stocké bord de champs et épandu par l'entreprise | 833 € | 3.726 € | - | 2.125 € | 2.125 € | 6.684 € | 4,46 € |
4 | Fumier stocké au champ par l'agriculteur, compostage par l'entreprise et épandage par l'argriculteur | 833 € | 3.726 € | 600 € | 417 € | 4.005 € | 9.581 € | 6,39 € |
5 | Fumier déposé au champ par l'agriculteur, compostage et épandage par l'entreprise | 833 € | 3.726 € | 600 € | 1.562 € | 1.562 € | 6.721 € | 4,48 € |
Pour les lisiers, toutes les techniques de stockage, d’épandage et d’utilisation sont décrites en détails dans le Livret de l’agriculture «Lisier», réalisé par Agra-Ost, avec le CRA-W, Protect’eau et UCL/ELI (financé par le SPW DGO3)6.
Rappels de quelques conseils d’utilisation
L’efficacité de l’azote des engrais de ferme est plus élevée pour des apports à des doses modérées, aussi il est conseillé de les répartir sur plus de cultures et prairies, régulièrement plutôt que des apports uniques aux maxima autorisés.
L’efficacité est meilleure pour des apports de printemps, limiter donc les apports d’automne (aux CIPAN par exemple). Les engrais de ferme à action lente comme les fumiers bruts ou compostés sont mieux valorisés par des cultures à cycle long (betteraves, maïs, pommes de terre, prairies, …). Il est aussi primordial de les apporter dans de bonnes conditions (météo, état des sols, …).
En conclusion
Les engrais de ferme sont un élément essentiel de la fertilité des sols, à court terme par leurs effets fertilisants, à plus long terme par leurs effets matière organique.
A nous de les utiliser au mieux.
Cet article est un extrait du dossier "Gestion des sols" de la Lettre Paysanne n°105 - décembre 2020
1https://centredemichamps.be/wp-content/uploads/2020/11/Analyse_engrais_ferme_comment_realiser_un_bon_echantillon_v4.pdf
2 Travaux de Pierre Limbourg CRA-W, Station de Libramont.
3 http://www.agraost.be/doc/livretcompostagepdf.pdf
4 https://youtu.be/vTXlVY2kIL4
5 Gaëtan Dubois et Fabienne Rabier CRA-W/Unité Productions végétales, avec le logiciel Mécacost (novembre 2020)
6 http://www.agraost.be/doc/livretlisier2015pdf.pdf