Cet événement de trois jours fut organisé par Agroecology Europe, une organisation à but non lucratif qui promeut l'agroécologie et entend placer ce mouvement parmi les priorités de l'agenda européen pour le développement durable de l'agriculture et des systèmes alimentaires. L'événement a rassemblé près de 300 personnes de 36 pays (26 pays européens et 10 pays non européens) pour un dialogue autour de questions politiques européennes clés. Il a su rassembler une variété d'acteurs, dont 37 représentants d'organisations de la société civile (OSC) et 35 agriculteurs, issus de divers mouvements et territoires.
Ce forum fut l'occasion pour une équipe du projet Agroecology-TRANSECT, dont un scientifique de l’Unité 9 (agriculture et durabilité), de partager son travail et de se connecter au mouvement plus large de l'agroécologie à l'échelle européenne en organisant un atelier pour l’évènement. Celui-ci a été préparé et animé par une équipe mixte composé de différents partenaires du projet dont Adrien Swartebroeckx (CRA-W, Belgique), Darleen van Dam et Walter Rossing (WUR, Pays-Bas), Bertrand Dumont (INRAE, France), Alexandra Waldmann (Čarna, Slovénie), Raquel Luján Soto (CSIC, Espagne) et Csillag Bittermann (ÖMKi, Hongrie). L'atelier a pris ce projet, issu d’un appel Horizon Europe, comme point de départ pour discuter de nouvelles façons de connecter les connaissances des acteurs de terrain et des scientifiques dans des projets multi-acteurs qui visent une transition agroécologique. Quatre présentations préliminaires concernant respectivement les objectifs du projet, l’approche de la co-innovation, l'expérience d’une initiative slovène qui collabore dans le projet et une méthodologie de caractérisation d’initiative ont planté le décor de l'atelier. Ensuite, une grande partie de l'atelier a été consacré aux échanges entre participants dans le cadre d'une activité « World Café », mélangeant les participants et leurs idées dans différentes tables de discussion avec trois sujets principaux :
· Pourquoi s'engager dans un projet multi-acteurs ?
· Comment produire des connaissances dont les acteurs de terrains peuvent se saisir ?
· Comment alimenter le mouvement plus large de l’agroécologie ?
Les tables de discussion ont donné lieu à un large éventail d'échanges intéressants. Lors de la discussion du premier thème sur les projets multi-acteurs, les participants se sont accordés sur les avantages d'être en présence de perspectives différentes dans ce type de projets. Ils ont souligné l'importance de conduire le changement avec une multitude d'acteurs. La discussion a également mis en évidence des lacunes importantes dans l'enseignement et la recherche transdisciplinaires, suggérant que les efforts de collaboration entre différentes disciplines sont essentiels pour relever les défis complexes auxquels l'agriculture est confrontée. Un autre aspect notable abordé a été la difficulté d'amener les agriculteurs à s'engager volontairement pour de longues périodes, révélant le manque d’avantages directs d’une telle participation. Il a cependant été mis en avant pour les agriculteurs et les OSC, l'intérêt de participer à des projets multi-acteurs pour faire entendre leur voix auprès des chercheurs, des décideurs et des acteurs dominants du secteur agricole.
En ce qui concerne le deuxième thème, les participants ont souligné que la production de connaissances exploitables par les acteurs de terrain repose sur des conditions préalables essentielles : la confiance et le respect entre les collaborateurs, la compréhension des contextes historiques et la prise en compte des déficits de financement pour ce type de connaissances. En outre, alors que les scientifiques sont principalement reconnus par les publications produites, l'engagement avec les praticiens est moins récompensé sur le plan académique, ce qui n’incite pas à se concentrer sur les besoins des acteurs de terrain. Les participants ont souligné l'importance de réfléchir avec les agriculteurs, grâce aux démonstrations sur le terrain, aux échanges entre pairs et à des organisations nouvelles comme les Living Lab.
Le troisième thème s'est concentré sur le "comment faire" et a une fois de plus amené la discussion sur le lien entre le monde de la recherche et les agriculteurs. L'approche ascendante (bottom-up) a été mentionnée comme l’une des clés pour alimenter le mouvement agroécologique. Les participants ont préconisé des échanges sur le terrain, y compris avec les scientifiques, ainsi que l'adoption d'une approche transdisciplinaire. Enfin, un défi est apparu : la question de l'héritage, comment nourrir le mouvement et s'assurer qu'il ait un impact sur l'avenir.
Les discussions fructueuses ont mis sur la table certains défis et questions à traiter lorsqu'il s'agit de relier les chercheurs et les praticiens. Mais elles ont également apporté leur lot de solutions possibles et de propositions pour les prochaines étapes. Et même si la transition agroécologique a encore un long chemin à parcourir, nous avons déjà inscrit à notre agenda le prochain Agroecology Europe forum, qui se tiendra à Malmö en octobre 2025, comme l'un des prochains rendez-vous incontournables.
Crédit photo : ASBL Agroecology Europe