Contexte
Le monde de l’élevage est régulièrement pointé du doigt par la société, que ce soit pour son impact environnemental (émissions de gaz à effet de serre, pollution azotée, déforestation, etc.) (Steinfeld et al., 2006), ou pour l’incidence de ses produits sur la santé humaine (transmission de diverses maladies ou virus, cholestérol, graisses saturées, etc.) (Parnaud et al., 1997; Jiménez-Colmenero et al., 2001; Otte et al., 2007). Même si l’élevage permet le recyclage de coproduits industriels, le maintien du tissu rural et la conservation des paysages, il est urgent de développer des modes de production durables adaptés à notre environnement, et de défendre la qualité des productions animales. De plus, ces dernières années, les filières de qualité différenciée (type ω3, etc.), les produits de terroir (AOP, IGP, etc.) ou l’agriculture biologique ont la cote auprès des consommateurs, qui sont de plus en plus conscients de l’incidence de l’alimentation sur la santé. Afin de renforcer cet aspect, le Centre Wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W) propose un projet, nommé PhytoHealth, qui vise à étudier l’intérêt de rations riches en isoflavones sur la « valeur santé » des produits animaux.
Les polyphénols sont des métabolites secondaires des végétaux. Ils présentent notamment des activités anti-oxydantes et anti-inflammatoires (Collin, 2011). Parmi eux, on retrouve les isoflavones. Une fois ingérés par l’animal, ils subissent plusieurs transformations par les micro-organismes du tube digestif. Ils sont ensuite diffusés dans l’organisme, y compris dans les produits animaux. Un nombre croissant d'études montre l'impact positif de l'équol sur certaines maladies cardio-vasculaires, des syndromes post-ménopause, l’obésité et certains cancers hormono-dépendants. Cependant, l'équol est absent du règne végétal et une majeure partie de la population humaine ne disposent pas de la microflore adéquate pour assurer cette métabolisation au sein de leur système digestif (Bowey et al., 2003; Petit et al., 2009; Santos-Buelga et al., 2010). Les productions animales se positionnent donc comme un maillon indispensable dans l’apport de l'équol à l’ensemble des individus. Le projet PhytoHealth a notamment pour objectif de mettre place les outils nécessaires pour enrichir en équol les produits animaux, en particulier le lait et les œufs.
Durant ces dix dernières années, l’augmentation importante de l’intérêt santé des isoflavones et de l'équol a conduit les scientifiques à développer de nombreuses méthodes d’analyse (Wilkinson et al., 2002; Wu et al., 2004; Ignat et al., 2011). Parmi celles-ci, la chromatographie liquide couplée à un spectromètre de masse (LC-MS) semble la plus adéquate pour détecter et quantifier ce type de composés. La LC-MS est un secteur en constant évolution qui voit les performances de ces outils s’améliorer au fil du temps. Les dernières générations d’appareils chromatographiques, appelées chromatographie liquide ultra performant (UPLC®), permettent d’améliorer la résolution chromatographique. Elles présentent également l’avantage d’être particulièrement sensibles pour la détection de composés à l’état de trace et permettent de réduire considérablement le temps d’analyse qui, in fine, entraine une diminution des volumes de solvants utilisés pour les phases mobiles (Churchwell et al., 2005; Kiss et al., 2010). L’utilisation de ces nouvelles générations d’appareils implique un redéveloppement des méthodes d’analyses utilisées en LC classique et, une revalidation des méthodes, afin de s’assurer de la fiabilité des outils mis à disposition des chercheurs.
Objectifs
Le projet a pour principal objectif de développer les connaissances et les outils nécessaires pour enrichir les productions animales en certaines molécules d’intérêts appartenant à la famille des isoflavones.
À l’image d’une filière, ce projet intègre des recherches de pointe à chaque étape. Les différents objectifs consistent à :
- Développer des outils d’analyse permettant la quantification des isoflavones et de l'équol dans diverses matrices (fourrages, chymes, matières fécales, urine, lait, œufs, plasma),
- Analyser divers végétaux afin de mettre en évidence les espèces présentant les teneurs en isoflavones les plus intéressantes,
- Utiliser ces matières premières enrichies en isoflavones pour alimenter des vaches laitières et des poules pondeuses, afin d’analyser l’incidence d’une telle alimentation sur leurs performances zootechniques et de produire du lait et des œufs riches en équol,
- Les aspects métaboliques sont étudiés chez ces deux espèces afin de comprendre les mécanismes de transformation des isoflavones en équol et ainsi envisager l’optimisation de l’enrichissement des produits animaux.
Les résultats permettront de se positionner clairement quant à la faisabilité d’intégrer de nouveaux aspects santé dans l’agriculture de demain.
Description des tâches
Pour répondre à ces objectifs, le projet s’articule autour de plusieurs Works Package (WP) :
- Le WP1 a comme mission la coordination du projet.
- Le WP2 s’intéressera à la sélection de plantes riches en phyto-œstrogènes, tant au niveau des plantes prairiales que des plantes médicinales.
- Le WP3 a pour objet de développer la culture de ces plantes.
- Le WP4 a pour principal objectif de réaliser des essais zootechniques d’alimentation, tant chez la vaches laitières que la poule pondeuse, afin d’étudier l’enrichissement des produits animaux en équol.
- Le WP5 comprend le module analytique et assurera le développement et l’adaptation des techniques analytiques requises sur les matrices végétales et animales, à chaque étape du projet.
Résultats attendus
Les premiers résultats concernent le plan analytique. Il s’agit essentiellement du développement et de la validation des méthodes analytiques fiables permettant de quantifier les isoflavones et l'équol dans diverses matrices.
Ces méthodes sont ensuite utilisées pour la partie agronomique. Les teneurs en isoflavones sont mesurées dans divers végétaux. Le trèfle violet est identifié comme l'espèce végétale présentant les teneurs les plus élevées en isoflavones. Des essais sur vaches laitières et poules pondeuses sont réalisés afin de comprendre le métabolisme des isoflavones dans le système digestif de l'animal. Les résultats permettront d’envisager des modes de production visant à optimiser la richesse en équol du lait et des œufs.
Contribution
Le CRA-W, Département ‘Science du vivant’ dispose d’une expertise reconnue dans la multiplication in vitro à partir de bourgeons axillaires d'une multitude d'espèces végétales ainsi que des infrastructures permettant d'en assurer la conservation et l'évaluation en conditions contrôlées sous serres.
Collaborateurs scientifiques :
Pascal Geerts et Jean Michel Terzi (Unité Génie Biologique).
Le CRA-W, Département ‘Productions et Filières’ est largement impliqué dans l’étude de stratégies phytotechniques et zootechniques permettant une agriculture durable. Il étudie notamment l’alimentation des animaux d’élevage en relation avec l’environnement (projets Methamilk, CO2, Lupin, Urée, AA), l’autonomie protéique et la qualité des produits (composition du lait: CLA, ω3). Il dispose de troupeau laitier, d’un poulailler et de superficies fourragères suffisantes à la mise en place des essais. Il possède également l’agrément du comité d’éthique en expérimentation animale pour la réalisation d’essais sur ruminants. Par ailleurs, Virginie Decruyenaere a une bonne expertise des approches systémiques, et en particulier de la gestion des prairies. Elle a réalisé des essais sur l’intérêt des légumineuses au pâturage et sur l’ingestion des bovins à l’herbe. Elle prendra en charge les approches de gestion globale du pâturage, du coût à l’unité de production et de la persistance des légumineuses en prairies.
Collaborateurs scientifiques :
Eric Froidmont (Unité Nutrition animale & Durabilité),
Virginie Decruyenaere (Unité Mode d’élevage, Bien-être et Qualité).
Le CRA-W, Département ‘Valorisation des Productions agricoles’ (DVPA) dispose de laboratoires d'analyse permettant de déterminer différents paramètres de composition et de qualité du lait par des méthodes officielles, accréditées selon le référentiel ISO 17025 (certificat Belac 300). Il fait office de laboratoire national de référence pour le lait et organise la guidance scientifique des laboratoires belges contrôlant la composition et la qualité du lait. Le DVPA est équipé de plusieurs outils analytiques de pointes (GC-FID, GC-MS, UPLC®-MSMS, UPLC®-DAD, HPLC-PAD, ICP-MS, etc.) lui permettant d’investiguer le monde des résidus, des contaminants et des micro-composés (polyphénols, cortisol, etc.), tant dans des matrices animales que végétales. Les résultats ainsi obtenus ont déjà fait l’objet de publications internationales.
Le DVPA possède aussi une grande expérience en spectrométrie (NIR, MIR, Raman), notamment au niveau du développement et de la maintenance d’équations de prédiction. La mise en réseau d’appareils de mesure par spectrométrie a constitué une étape importante pour l’utilisation de cette technique à grande échelle et a placé le CRA-W à la pointe de la technique au niveau mondial.
Collaborateurs scientifiques :
Jean Michel Romnée, Frédéric Dehareng (Unité Technologie de la Transformation des Produits),Frédéric Daems (PhD, Unité Technologie de la Transformation des Produits), Véronique Ninane (Unité Authentification et Traçabilité), Vincent Baeten (Unité Qualité des Produits).
Partenaires
• Université catholique de Louvain, Institut des Sciences de la vie, Prof. Y. Larondelle
• ULG, Gembloux Agro-Bio-Tech, Laboratoire de chimie analytique, Prof. G. Lognay
Coordinateur hors CRA-W
Dr. Eric Froidmont Coordinateur de l'Unité 'Nutrition animale et Durabilité' Bâtiment Vissac, Rue de Liroux 8, 5030 Gembloux 081/62.67.74 froidmont@cra.wallonie.beFinancement
- CRA-W - apport loi Moerman