Contexte
Dans le contexte de crise actuelle, optimiser la gestion des élevages est devenu une nécessité. Chaque unité d’intrant se doit d’être valorisée au mieux pour être rentable et limiter les coûts de production. De plus, la volatilité des cours des matières premières sur les marchés mondiaux induisent de fortes variations des coûts de production en élevage, en particulier des coûts de l’alimentation. De plus en plus d’éleveurs cherchent en stabiliser le plus possible ces coûts.
En parallèle, le consommateur recherche de plus en plus de garanties quant à la provenance et à la qualité des produits qu’il achète (labels de qualité, absence d’OGM, traçabilité…) ainsi qu’à leur empreinte environnementale. Ces contraintes poussent les éleveurs à améliorer leur autonomie alimentaire via différentes voix :
- Produire eux-mêmes leurs aliments ou se fournir localement (à l’échelle régionale)
- Limiter les gaspillages alimentaires
- Ajuster au mieux les rations des animaux
- Optimiser les itinéraires techniques d’élevage.Généralement, les éleveurs sont quasiment autonomes en fourrages et en énergie. Par contre, ils doivent souvent acheter des aliments permettant de couvrir les besoins en protéines des animaux. Ce projet est donc principalement tourné sur la recherche de leviers d’amélioration de l’autonomie protéique des exploitations.
Le projet s’est déroulé en deux temps. Tout d’abord, une étude de l’impact de différents modes de gestion de l’efficience protéique dans les élevages laitiers a été réalisée. Puis sur la base de cette étude, un réseau de fermes a été constitué pour suivre sur le terrain les leviers mis en place par les agriculteurs pour améliorer leur autonomie alimentaire et protéique.
Objectifs
Dans un premier temps, l’étude s’est portée sur les itinéraires techniques permettant d’améliorer l’efficience protéique des animaux.
L’efficience protéique chez la vache laitière se définit comme étant le rapport entre les quantités de protéines excrétées dans le lait et les quantités de protéines ingérées par l’animal. Dans le cadre de ce travail, ce paramètre ne concerne que la spéculation lait, finalité principale des vaches laitières, et ne prend volontairement pas en compte la composante viande. Il considère tant les périodes de vie productives qu’improductives de la vache.
Cette étude met en relation l’efficience protéique viagère des animaux avec des paramètres de gestion de troupeaux, en vue de déterminer les itinéraires techniques d’élevage les plus efficients sur le plan des économies en protéines alimentaires, sans affecter la productivité.
Ces économies en protéines peuvent être obtenues en réduisant les durées de vies improductives des animaux - à savoir, les phases d’élevage des génisses et les périodes de tarissement -, et/ou en optimisant les quantités de protéines des rations sur base de la production individuelle.
Cinq paramètres de gestion de troupeaux ont été analysés pour optimiser l’efficience protéique. Ces paramètres sont :
- L’âge au premier vêlage
- La durée des lactations
- La durée du tarissement
- La longévité des animaux
- L’apport protéique des rations
Dans un deuxième temps, suite à l’analyse théorique de ces paramètres, un réseau de 8 fermes wallonnes (5 laitières et 3 allaitantes) a été constitué afin de vérifier dans la pratique les tendances mises en évidence. Initialement, il était prévu de mesurer ces différents paramètres (ou leur adaptation au troupeau allaitant) pour contrôler les résultats théoriques obtenus et, si l’éleveur le souhaitait, de définir un levier d’action lui permettant d’améliorer ses résultats. Cependant, certains agriculteurs ont montré de l’intérêt pour d’autres leviers d’actions leur permettant de gagner en autonomie alimentaire et/ou protéique.
L’objectif final du projet a donc été redéfini : chaque ferme a été caractérisée, aussi bien du point de vue de sa production que du point de vue de son autonomie alimentaire et protéique. Puis en accord avec l’agriculteur, un levier d’amélioration de cette autonomie a été étudié. Les leviers en cours d’étude portent aussi bien sur la gestion du troupeau (réduire l’intervalle entre deux vêlages) que sur la production de protéines au sein de l’exploitation (méteil, lupin…) que sur la gestion des fourrages et en particulier de la prairie.
Description des tâches
L’étude s’est basée sur des résultats de plusieurs essais issus de la littérature, réalisés sur des vaches de races Holstein (race laitière principale en Belgique). Les données chiffrées ont été travaillées pour modéliser l’efficience protéique, mois par mois, sur la vie entière de l’animal. L’efficience protéique tient donc compte de la phase d’élevage de la génisse.
Pour chaque cas, l’ingestion de l’animal, les quantités des protéines ingérées et les quantités de protéines produites ont été déterminées au fil des mois d’après le niveau de production laitière, le stade de lactation…
Une fois les kg de protéines ingérées et produites dans le lait par l’animal déterminés mois après mois, l’efficience protéique de ce dernier pouvait alors être calculée, ainsi que son évolution au cours de sa vie.
De cette manière, il est possible de comparer différents modes de gestion de troupeaux laitiers, afin de déterminer les itinéraires techniques d’élevage optimaux pour économiser des protéines.
Concernant l’apport protéique des rations, des rations composées uniquement d’ensilages de maïs et d’herbe, de paille de blé, de tourteau de colza et d’orge, en proportions variables, ont été utilisées. Ces rations ont été conçues pour différents taux en protéines brutes (11, 14 et 17%). Un programme de tables alimentaires (Unirat 2011, W. Sekul, LAZBW Aulendorf) a permis de prévoir l’ingestion des animaux d’après les différentes rations. L’objectif est de déterminer jusqu’où et à quel(s) moment(s) de la lactation il est possible de descendre les taux en protéines brutes de la ration, pour des animaux avec différents niveaux de production.
Dans un deuxième temps, des visites en ferme ont eu lieu régulièrement pour suivre différents leviers permettant des économies en protéines :
- La comparaison de trois intercultures : le méteil, le ray-gras ou le ray gras en association avec d’autres espèces fourragères. La comparaison des rendements obtenus (en matière sèche et en protéines) ainsi que le coût économique de chaque interculture permettra de définir laquelle est la plus adaptée dans un contexte d’amélioration de l’autonomie.
- La comparaison de deux rations d’engraissement, une à base de maïs et l’autre à base d’herbe. Le suivi des taurillons jusqu’à l’abattage, couplé aux coûts de chaque ration permettra de définir laquelle est la plus adaptée.
- La comparaison de deux temps de repos pour des prairies en pâturage tournant. Le suivi permettra de définir, pour l’exploitation en suivi, le temps de repousse optimal permettant de produire la meilleure herbe possible et ainsi diminuer les concentrés nécessaires aux animaux.
- L’optimisation du pâturage en vue de diminuer l’apport en concentrés. Le suivi permettra de définir avec l’agriculteur la meilleure conduite de ces parcelles à adopter pour en tirer le meilleur profit.
- La réduction de l’intervalle entre deux vêlages pour diminuer les périodes non productives des animaux. Le suivi de l’exploitation a pour objectif de définir les causes de ce trop long intervalle pour, dans un deuxième temps, proposer des solutions pour y remédier.
Résultats obtenus
Théoriquement, l’analyse des résultats montre une différence d’efficience protéique de 23% entre un premier vêlage à 24 mois et un premier vêlage à 36 mois ; cette différence est de 52% entre une longévité de 8 lactations par rapport à une lactation unique ; de 8,6% pour des durées de lactations de 16 mois par rapport à 10 mois ; la différence est de 2,6% avec des tarissements de 35 jours par rapport à des durées moyennes de 50 jours, et enfin, de 5,5% avec un régime passant de 17% en PB (1ère moitié de la lactation) à 14% en PB (seconde moitié de la lactation), par rapport à un régime à 17% en PB distribué durant toute la lactation.
Les besoins des vaches laitières varient selon le numéro et le stade de lactation. Il est donc « protéiquement et économiquement rentable » d’appliquer une alimentation de précision, c’est-à-dire, d’adapter le taux en protéines brutes des rations en fonction du potentiel de production des animaux et du stade de la lactation. Ce concept, qui consiste à travailler l’alimentation par phases, nécessite une gestion technique rigoureuse des animaux.
Des économies en protéines semblent donc théoriquement réalisables, et ce, en actionnant plusieurs leviers dont les effets peuvent être cumulatifs, si les méthodes d’élevage sont compatibles entre elles.
Le réseau de fermes a montré que, quel que soit le type d’exploitation (laitière ou viandeuxe) il était possible d’atteindre un bon niveau d’autonomie moyennant l’instauration de quelques leviers. Les exploitations suivies présentaient des niveaux d’autonomie alimentaire supérieurs à 65% et d’autonomie protéique supérieurs à 45%, certaines exploitations atteignant 89% d’autonomie alimentaire et 85% d’autonomie protéique. Ces niveaux reposent généralement sur une bonne gestion du pâturage et de l’herbe en général, mais aussi sur le recours à d’autres sources de protéines que le tourteau de soja.
Contribution
Département productions et filières, Unité Nutrition animale et durabilité
CTRab
Financement
- SPW - DGO3 - Direction de la Recherche et du Développement