Contexte
Le tourteau de soja est la principale source de protéines exogènes utilisée dans l’alimentation des vaches pour assurer une production laitière soutenue, reflet de la sélection génétique poussée de ces dernières décennies.Majoritairement issue de semences OGM, la culture de soja est intensive et, mis à part quelques filières de production durable, pose un bon nombre de problèmes environnementaux : déforestation, appauvrissement des sols, coût écologique du transport… En raison d’une très faible autonomie en protéines végétales (27% en 2008, Prolea 2009), l’UE importe plus de 30MT de soja chaque année (Prolea, 2009). Cette matière première fait office de référence d’un point de vue nutritionnel, que ce soit en ce qui concerne sa teneur en protéines digestibles (246 à 277g de DVE/kg MS, CVB, 2000), en énergie (1150 VEM/kg MS) et son bon équilibre en méthionine et lysine digestibles : les principaux acides aminés limitants chez la vache laitière. Il complémente parfaitement l’ensilage de maïs, largement produit en Région Wallonne.
Etant donné que la majeure partie des protéines que l’animal ingère est rejetée dans les déjections animales (de l’ordre de 75% chez les bovins), l’apport massif de tourteau de soja à nos animaux d’élevage engendre un enrichissement non négligeable en azote de notre environnement et l’eutrophisation des eaux comme conséquence. Depuis quelques années cependant, des sources de protéines produites localement sont plus régulièrement disponibles grâce, entre autre, au développement des industries de bio-carburants. C’est le cas du tourteau de colza, issu de la fabrication du biodiesel, ou des drêches de blé, en provenance des usines de bioéthanol.
Le défi est dès lors de taille pour l’industrie des aliments pour bétail ; il consiste à remplacer le tourteau de soja par une association de sources de protéines locales sans occasionner de surcoût et sans affecter les performances zootechniques des animaux. La recherche de ce nouvel équilibre a pour objectif de s’affranchir partiellement du soja, de rendre l’UE économiquement moins dépendante des marchés extérieurs et d’améliorer, dans son ensemble, la durabilité de nos spéculations animales.
Objectifs
Cet essai a comme objectif spécifique de comparer deux rations équivalentes sur le plan nutritionnel, l’une complémentée par un correcteur à base de protéines locales et l’autre par un correcteur à base de tourteau de soja, sur la production des vaches laitières, l’efficience azotée de la ration, la composition du lait et le coût de l’alimentation par litre de lait produit.Résultats obtenus
L’essai a été mené sur deux lots de 8 et 9 vaches laitières de race PN Holstein, produisant respectivement 26.5 ± 3.2 et 30.7 ± 5.4 L/j et dont le stade de lactation était de 204 ± 52 et 166 ± 70 jours de lactation, respectivement en début d’essai. Les vaches étaient traites deux fois par jour, à 6h30 et 16h30.L’étude se composait de deux périodes expérimentales durant lesquelles chaque lot de vaches a reçu successivement deux rations de même valeur nutritionnelle permettant une production théorique de l’ordre de 30 L/j (ration soja vs ration locale, tableau 1), selon un schéma expérimental avec permutation des objets.
Tableau 1. Composition centésimale, chimique et nutritionnelle des régimes ingérés
Matières premières | Ration ‘soja' | Ration ‘locale' |
Composition centésimale, % MS | ||
Ration de base Ensilage d'herbe Ensilage de maïs Paille de blé Concentré protéique Tourteau de soja 46 Tourteau de colza Vinasse de betterave Optitek Tourteau de tournesol Drêches de blé Tourteau de germes de maïs Urée NaCl Concentré de production | 80.2 31.4 46.8 2.0 15.1 8.6 5.8 0.6 0.1 - - - - - 4.8 | 76.0 29.3 44.5 2.2 19.1 - 10.5 0.8 0.1 3.4 3.4 0.7 0.1 0.1 5.0 |
Composition chimique | ||
MS, kg/j/vache MO, g/kg MSI Protéines, g/kg MSl Energie brute, kcal/kg MSI NDF, g/kg MSI ADF, g/kg MSI Matières grasses, g/kg MSI | 23.1 918 147 4260 374 286 33 | 23.0 918 150 4296 382 290 36 |
Composition nutritionnelle4 | ||
VEM, VEM/kg MSI DVE, g/kg MSI OEB, g/kg MSI | 900 83 14 | 891 81 17 |
| Ration ‘soja' | Ration ‘locale' | P |
Production, kg/j Production de lait standard, kg/j Taux butyreux, % Matières grasses, g/j Taux protéique, % Protéines, g/j Matières utiles, g/j Teneur en urée, mg/dL | 25.9 25.8 4.18 1081 3.61 931 2011 187 | 25.5 24.9 4.06 1031 3.57 905 1936 179 | 0.600 0.303 0.345 0.270 0.485 0.340 0.266 0.404 |
Ce résultat signifie qu’il est tout à fait possible de substituer le tourteau de soja par des sources de protéines d’origine européenne dans l’alimentation des vaches laitières hautes productrices. Il est en parfait accord avec l’équivalence des rations préétablies sur le plan nutritionnel.
Le taux d’urée du lait et l’efficience protéique étaient similaires pour les deux rations.
Le profil en acides gras du lait était peu différent également, probablement du fait de la quantité limitée de tourteau de soja substituée mais aussi du fait que les tourteaux étaient de type ‘schroot’, c'est-à-dire à très faible teneur en huile résiduelle.
Sur base des prix au négoce du mois de mai 2010, le concentré protéique de la ration ‘soja’ avait un prix de revient, hors coût de fabrication, stockage et transport, de 259 €/T (1007 VEM, 245 g DVE et 140 g OEB/kg MS) alors que le concentré protéique de la ration ‘locale’ revenait à 197 €/T (953 VEM, 192 g DVE et 121 g OEB/kg MS). Par contre, une fois rapporté à la quantité de protéines digestibles, cette différence de prix devient quasiment inexistante.
En intégrant le prix des fourrages (Deprez et al., 2007), de la paille et des différents concentrés, le prix de l’alimentation par 100 litres de lait standard était très proche pour les deux régimes et atteignait 11.85 €/100L pour la ration ‘soja’ et 12.25 €/100L de lait standard pour la ration ‘locale’.
En conclusion, ces résultats confirment la faisabilité tant zootechnique que économique, de substituer le tourteau de soja par des sources de protéines autochtones dans les conditions actuelles du marché. Toutefois, le prix du tourteau de soja, considéré à 300 €/T dans cette étude, est un facteur prédominant sur l’intérêt de l’une ou l’autre formule. Ce calcul ne prend néanmoins pas en compte l’avantage environnemental de valoriser des sources de protéines locales.
Contribution
Responsable du projetPartenaires
Interagri-Dumoulin S.A.ISI Huy (M. Focant)
Financement
- CRA-W - Centre wallon de Recherches agronomiques