Du
01 Septembre 2018
au
31 Décembre 2020

SUSTAINBEEF : production durable de viande bovine

Co-définition et évaluation des systèmes d'élevage de viande bovine durable et basés sur la valorisation des ressources non comestibles par l'Homme.

La compétition « feed-food » en élevage bovin viandeux : les fondements du projet

L’augmentation de la population mondiale et le dérèglement climatique questionnent de plus en plus l’utilisation actuelle des ressources. De plus, la forte volatilité des prix des aliments menace la sécurité alimentaire. Dans ce contexte, il est régulièrement reproché à l’élevage d’être en compétition directe avec l’humain pour l’utilisation d’aliments. Ce concept est  appelé compétition « feed-food ».

Suite à leur faible efficience brute (quantité de nourriture nécessaire pour produire un kg de viande) par rapport aux monogastriques, les bovins sont particulièrement pointés du doigt. Cependant, les bovins sont des ruminants. Ils ont donc la capacité de valoriser des ressources non-consommables par l’humain en denrées (lait et viande) à haute valeur nutritionnelle. En effet, l’herbe constitue généralement la base de leur alimentation et est complémentée par des coproduits de l’industrie agro-alimentaire tels que les pulpes de betteraves.

C’est en partant de cette réflexion que plusieurs scientifiques se sont penchés sur le calcul de l’efficience protéique nette. L’efficience protéique nette, contrairement à l’efficience protéique brute, ne prend en compte, que les protéines qui sont consommables par l’humain (voir Figure 1).

Ce changement de paradigme, bien qu’encore imparfait (ex : non prise en compte de la qualité du type de protéine produite), permet d’aborder de façon plus juste la capacité de l’élevage à contribuer à la production d’aliments à destination de l’humain.
La différence entre l'efficience brute et l'efficience nette est que cette dernière tient compte des protéines consommables par l'Homme
Figure 1 : équations de l'efficience brute et de l'efficience nette

SustainBeef : évaluation de scénarii de transition des élevages bovins viandeux européens vers moins de compétition « feed-food »

Le projet pose donc l’hypothèse que parmi les systèmes de production de viande bovine, ceux qui reposent principalement sur l’utilisation des prairies et de ressources de l’agro-industrie non consommables par l'humain sont plus durables que ceux utilisant des aliments consommables par l’humain ou qui ont été produits au détriment de l’alimentation humaine.

Pour évaluer la durabilité de ces systèmes, le projet s’intéresse à la fois à la dimension compétition « feed-food », mais également à la viabilité économique ainsi qu’aux impacts environnementaux. Le projet se base sur l’évaluation multicritère par modélisation de systèmes-types de production de viande bovine à travers l’Europe du nord. L’outil d’optimisation bioéconomique utilisé dans le projet est FarmDyn. Des innovations ayant le potentiel de diminuer la compétition « feed-food » ont été recensées au début du projet. Elles ont ensuite été introduites dans la modélisation afin de quantifier leurs impacts (positifs ou négatifs) sur les systèmes-types.

Dans un premier temps, quinze systèmes représentatifs de différentes régions d’Europe ont été définis (voir Figure 2 - https://chrispahm.github.io/SustainBeef/). Ainsi, en Wallonie, 4 types de systèmes ont été sélectionnés : deux systèmes naisseurs (extensif et intensif), un système naisseur-engraisseur et un système laitier. En calculant l’efficience protéique nette de ces systèmes-types, nous avons observé que les systèmes extensifs basés sur l’herbe et ceux qui valorisent les coproduits (IT-F1) sont souvent producteurs nets de protéines mais nécessitent une plus grande surface pour produire la même quantité de carcasse.
Efficience nette en protéine et surface utilisé pour produire 1kilogramme de poids carcasse (m2/kg) des quinze cas d’études du projet Eranet SusAn SUSTAINBEEF
Figure 2 : Efficience nette en protéine et surface utilisé pour produire de la viande

La liste des « innovations » ayant le potentiel de diminuer la compétition « feed-food » a ensuite été établie sur base des littératures scientifiques et techniques. Cette liste a ensuite été soumise à des experts afin d’être validée avant d’être discutée avec une diversité d’agriculteurs et d’acteurs de la filière.

Ces groupes ont permis de mettre en lumière les freins et les leviers à l’intégration de ces innovations à l’échelle de la ferme et de la filière. Ils ont également permis d’identifier les innovations jugées les plus pertinentes aux yeux des participants (cf. délivrable 4.2).

Sur cette base, 45 scénarios (111 simulations) mettant en œuvre les innovations les plus plébiscitées ou les plus débattues ont été réalisés dans les systèmes représentatifs de chaque région partenaire. Cela a permis d’évaluer l’impact de ces innovations sur l’efficience nette de ces systèmes ainsi que sur les autres critères de durabilité.

Au-delà de ces scénarios, certaines innovations ont été sélectionnées par l’ensemble des partenaires et ont donc été approfondies.

Il s’agit de l’engraissement à l‘herbe via la pratique du pâturage tournant dynamique et du croisement de races. Dans notre cas, le croisement se fait, soit dans un objectif de produire des animaux plus adaptés au pâturage, soit à produire des veaux à conformation plus viandeuse via la technique du croisement terminal.

Afin de prendre en considération la production finale de viande, les systèmes de production ont été combinés. En effet, en Wallonie, les systèmes sont généralement spécialisés soit dans l’élevage de broutards, soit dans l’engraissement de ceux-ci. Ces deux systèmes ont donc été associés afin de proposer un produit fini et consommable par l’humain.

La première approche consiste donc à valoriser au maximum l’herbe produite sur l’exploitation grâce à la technique du pâturage tournant dynamique (rotation rapide des animaux sur de petites parcelles). Ainsi, les résultats montrent que pour un système naisseur intensif, le pâturage tournant dynamique (voir Figure 3 – FRG) présente un intérêt limité. En effet, seule une légère amélioration des différents critères (production de gaz à effet de serre, compétition feed-food, charge de travail et revenu) est observée.
Valeurs du potentiel de réchauffement climatique, de l'efficience protéique nette, du temps de travail et du bénéfice de l’exploitation pour les 6 scénarios.

Figure 3 : Résultats des simulations pour les scénarios alternatifs : valeurs du potentiel de réchauffement climatique (kg de CO2-eq/kg de carcasse), de l'efficience protéique nette, du temps de travail (minute/kg de carcasse) et du bénéfice de l’exploitation (€) pour les 6 scénarios (systèmes wallon, franco-italien et allemand). Base : système de référence, FRG : pâturage tournant dynamique et SR : redéfinition complète du système. En bleu : le système combinant exploitation d’éleveurs de veaux et d'engraisseur. En rouge : croisement sur vaches laitières pour la production de viande bovine

La seconde approche wallonne concerne l’élevage de veaux issus du croisement terminal c’est-à-dire entre des vaches laitières et des taureaux Blanc-Bleu Belge par insémination artificielle. Le principe est d’engendrer des animaux qui soient plus productifs en termes de quantité de viande tout en valorisant des animaux qui produisent également du lait. Les résultats sont ici nettement plus prometteurs. En effet, tous les indicateurs montrent une belle amélioration (voir Figure 3 - SR) avec par exemple des émissions de gaz à effet de serre divisées par 3. Celle-ci peut être expliquée par la double finalité de production lait et viande d’un tel système.

SUSTAINBEEF : une approche participative et théorique pour identifier les pratiques et expérimentations de demain

Les approches participatives ont permis d’impliquer l’ensemble des acteurs de la filière et surtout les éleveurs. Les méthodes utilisées dans le cadre du projet SustainBeef ont été documentées afin d’être transposées dans d’autres projets.

La modélisation a permis de caractériser, de manière théorique, les impacts de l’implémentation des innovations au sein des exploitations d’élevage.

Ces approches ont montré le potentiel théorique de certaines innovations. Elles posent également de nouvelles questions nécessitant de nouvelles expérimentations afin d’encore affiner les résultats obtenus et de vérifier leur faisabilité au niveau des exploitations d’élevage. De nouvelles questions ont également été soulevées par les acteurs, notamment, les problèmes de compétitions avec d’autres finalités (production d’énergie, construction de routes, …). La dépendance à l’agro-industrie a également été pointée comme un frein à l’implémentation de certaines innovations et une réflexion à l’échelle de la filière est nécessaire.


Description des tâches

Pour atteindre ses objectifs, le projet est structuré comme suit :

  • La coordination scientifique et administrative sera réalisée au sein du WP1. La promotion de ce projet tant vers le monde agricole que vers le grand public ainsi que la dissémination scientifique des résultats seront également réalisées dans ce WP.
  • Le WP2 aura la tâche de définir, (1) au travers d’approches multi-acteurs et multicritères, les indicateurs qui permettrons la caractérisation et la durabilité des systèmes ainsi que leur poids relatif, (2) une typologie des systèmes viandeux, basée sur les dires d’experts, les statistiques nationales et les données issues de fermes commerciales.
  • Le WP3 réalisera les simulations des performances économiques, environnementales (y compris des services écosystémiques) et sociales des systèmes d’élevages pour les types d’exploitations identifiés tant dans le contexte actuel (WP2) que pour les scénarios d’évolution possible (WP4).
  • Le WP4 identifiera les innovations permettant d’améliorer l’efficacité des systèmes et, sur cette base, de proposer des scénarios d’évolution alternatifs. Les performances de ces scénarios seront évaluées dans le WP3 à l’échelle de l’exploitation et dans le WP4 à l’échelle du territoire et de la filière.

Contribution

En tant que chef de projet, le CRA-W a sa charge la gestion globale du projet ce qui implique, le suivi de l’état d’avancement des différents workpackages, la gestion des rapports et délivrables. Le CRA-W est, de plus, impliqué dans chacun de workpackage à différents niveaux. Il est également responsable du WP4.

Coordinateur hors CRA-W

INRA (Fr) : Claire Mosnier IDELE (Fr) : Sylvie Brouard TEAGASC (Ir) : Edward O’Riordan UCD (Ir) : James Breen CREA (It): Giacomo Pirlot AWE (Be): Carlo Bertozzi U-Bonn (Ge) : Wolgang Britz

Financement

  • CRA-W - apport loi Moerman
  • soutien et cofinancement du projet