Il existe deux manières de produire du lait. D’une part, les fermes qui cherchent à générer une marge bénéficiaire en maximisant la production, et dès lors en ayant recours à des quantités importantes de concentrés (systèmes hauts intrants), et d’autre part, les fermes plus auto-nomes, qui visent à optimiser l’efficience économique et à valoriser autant que possible les productions végétales de l’exploitation pour minimiser les coûts.
Ces deux types de fermes ont des résultats différents en termes d’impact environnemental et de qualité nutritionnelle du lait.
En effet
- Le lait, bien que décrié par certains, reste une source intéressante de nombreux nutriments. Sa composition fine varie en fonction du type de production;
- Le consommateur perçoit le plus souvent l’élevage des ruminants comme préjudiciable à l’environnement, car il émet des gaz à effet de serre.L'impact environnemental varie aussi considérablement selon le mode de production.
Comment produire un lait de qualité supérieure en minimisant les impacts environnementaux ?
Qualité nutritionnelle
La qualité du lait est très variable selon le mode d’élevage des bovins, car c’est un produit complexe. Il contient tout un éventail de macro-constituants, de minéraux, d’enzymes et de micro-constituants, dont certains ne sont pas encore identifiés. Dans l’industrie laitière, on ne valorise absolument pas cette diversité.
L’apport de graines oléagineuses, par exemple, permet d’améliorer le profil en acides gras du lait. Les graines de lin et de colza améliorent la richesse en acides gras polyinsaturés et en omégas 3 ce qui est intéressant dans le cadre d’une alimentation équilibrée limitant les risques de maladies cardio-vasculaires. Parmi ces acides gras, l’acide ruménique qui, comme son nom l’indique, est spécifique aux produits des ruminants, aurait des effets positifs dans la lutte contre certains cancers.
La valorisation du pâturage est également importante pour la qualité du lait, car l’herbe contient de 1 à 3 % d’acides gras, dont 50 à 75 % sont des omégas 3. Plus la flore de la prairie est variée, plus les effets sur la composition du lait sont marqués. La teneur en acide ruménique du lait produit à l’herbe varie selon la saison en fonction de la part et de la qualité de l’herbe ingérée par les vaches.
L’herbe fraîche et jeune est riche en caroténoïdes, tels que le β-carotène (précurseur de la vitamine A dans le lait) et en vitamine E. Comme ces composés sont sensibles à l’oxydation, il y a moins de caroténoïdes dans un foin et dans les ensilages que dans l’herbe fraîche et cela se répercute sur la composition du lait. Un beurre produit à partir de lait de pâturage est donc plus jaune, plus tartinable et plus fondant qu’un beurre produit à partir de lait d’hiver.
Les légumineuses jouent également un rôle important sur la composition du lait. Celles-ci contiennent des isoflavones, qui appartiennent à la famille des polyphénols. Après une transformation microbienne dans le tube digestif de la vache, certains de ces composés forment de l’équol. L’équol est un composé absent du règne végétal mais présent dans le lait des vaches ingérant des légumineuses. Il aurait des effets très positifs pour la santé, notamment dans la prévention des cancers hormono-dépendants, l’ostéoporose, les troubles de la ménopause, et aussi un haut pouvoir antioxydant. Etant donné que, contrairement aux vaches, peu de personnes disposent de la microflore utile à la synthèse de l’équol, le lait se positionne comme un vecteur intéressant de ce composé bioactif dans notre alimentation.
Afin de connaître l’effet de la ration sur la teneur en équol du lait, 5 essais ont été menés au CRA-W. Ils ont montré que le trèfle violet permettait d’enrichir davantage le lait en équol que le tour- teau de soja. La distribution d’ensilages riches en légumineuses permet également d’augmenter la teneur en équol, ce qui signifie que les isoflavones nécessaires à sa synthèse résistent aux fermentations dans l’ensilage. Les résultats montrent aussi que l’équol se maintient après traitement thermique du lait ainsi que dans les fromages.
Enfin, l’étude montre que les laits vendus en grande surface ont des teneurs très variables en équol. Ceux qui en contiennent le plus sont les laits issus de l’agriculture biologique, car ces élevages sont davantage liés à l’herbe et dépendent fortement des légumineuses fourragères pour satisfaire leurs besoins en protéines.
Impacts environnementaux
Deux points doivent attirer notre attention en élevage : les émissions de méthane et la mauvaise valorisation de l’azote par les ruminants.
En stockant le carbone, les prairies permettent de compenser jusqu’à 30 % des émissions (équivalent-co2) produites par l’atelier de lait, dont une grande partie provient des émissions de méthane. Celles-ci peuvent être limitées par différentes stratégies :
- L’alimentation : il a été montré qu’une alimentation riche en fibres induit une émission plus importante de méthane. Dans ce cadre, la gestion du pâturage est un axe de travail important. En effet, une herbe pâturée au bon stade contient moins de fibres qu’une herbe trop haute. D’autre part, les légumineuses peuvent limiter la production de méthane grâce à leur composition spécifique, tel que les tanins. Il existe enfin plusieurs additifs alimentaires qui permettent de limiter cette émission.
- La génétique : certaines lignées de vaches laitières rejettent moins de méthane que d’autres.
- La gestion du troupeau : par exemple en diminuant l’âge au premier vêlage, ce qui permet d’éviter plusieurs mois de rumination non productive avant la lactation sans pour autant affecter la carrière productive de la vache. La longévité des animaux est un autre point d’importance.
Concernant la limitation des rejets azotés dans l’environnement, on peut mettre en avant les stratégies suivantes :
- L’alimentation : Il faut veiller à une alimentation de précision et éviter les excès protéiques dans la ration, car ces excès sont rejetés dans l’environnement.
- La gestion des engrais de ferme : Les conditions d’élevage et les modalités de stockage des effluents ont une importance considérable.
La diminution de l’impact environnemental du lait et l’augmentation des qualités nutritionnelles du lait sont deux objectifs compatibles. Lors d’un essai, il a été montré qu’une ration optimisée sans soja et contenant une source d’acides gras polyinsaturés permettait une diminution de 25 % des émissions en équivalent-CO2 avec une amélioration notable du profil en acides gras du lait, de l’équol et de la vitamine B12 par rapport à une ration classique.
Quels sont les avantages nutritionnels du lait produit à l’herbe ?
Un lait produit à l’herbe présente de nombreux atouts pour le consommateur. Tout d’abord, il sera plus riche en acides gras polyinsaturés, notamment en acides gras oméga-3 et également en acide ruménique. L’acide ruménique est un acide gras qui est synthétisé principalement dans le pis mais aussi dans le rumen, et qui est intéressant pour limiter les risques de cancer. Le lait à l’herbe présentera un rapport oméga-6/oméga-3 plus favorable compris entre 1 et 1,5. Notre alimentation actuelle a un rapport oméga-6/oméga-3 largement supérieur à 5, alors qu’il est conseillé d’être en-dessous de 5.
Les acides gras ne sont pas les seuls atouts du lait à l’herbe. Le lait à l’herbe sera aussi plus riche en vitamine A, qui sera intéressante pour la vue, et pour protéger les muqueuses. Il sera également plus riche en vitamine E, qui est un antioxydant intéressant pour contrer les radicaux libres produits par notre métabolisme.
Un lait à l’herbe sera également plus riche en certains polyphénols. Dans nos recherches, nous travaillons sur l’équol. C’est un composé, secrété dans le lait, qui est synthétisé à partir de molécules présentes dans les légumineuses, par les micro-organismes du rumen et de l’intestin. L’équol est intéressant pour lutter contre certains types de cancers et est également un antioxydant intéressant. Or, il ne peut être synthétisé par la plupart des consommateurs.
Enfin, un lait à l’herbe présentera d’autres atouts, par exemple au niveau du goût. Un lait cru produit à l’herbe aura un goût plus subtil qu’un lait cru produit à base d’ensilage de maïs. Malheureusement, le lait passe par l’industrie laitière, qui standardise et homogénéise le lait et, quelque part, ces avantages sont lissés.
On parle de fromage produit avec du lait d’été, ou avec du lait d’hiver. Ces différences sont aussi liées au pâturage, à l’herbe fraîche, qui est présente dans l’alimentation des vaches. La qualité du beurre pourra également varier, un beurre produit à partir du lait d’été sera plus jaune grâce aux caroténoïdes de l’herbe. Ce beurre sera plus tartinable, car il y a plus d’acides gras polyinsaturés, et donc des atouts considérables.
Dans quelle mesure les légumineuses fourragères améliorent-elles le profil en acides gras du lait ?
Les légumineuses fourragères sont facilement digestibles. Le trèfle blanc, par exemple, est une plante qui est très hautement digestible par l’animal. Il va passer assez vite au niveau du tube digestif et les matières grasses qu’il contient vont être peu dégradées. Ces matières grasses, riches en acide linoléique conjugué, en omégas-3, seront concentrées dans le lait. Lorsque l’on fait un ensilage, le trèfle violet, ou les légumineuses de manière globale, contiennent des éléments qui vont protéger les matières grasses de la dégradation lors de l’ensilage, ce qui se répercutera sur la qualité du lait.
En pratique, comment peut-on réduire le gaspillage protéique, et donc les émissions d’azote des bovins ?
La meilleure solution, c’est d’apporter exactement ce dont les bovins ont besoin, c’est-à-dire de respecter les normes alimentaires. Souvent, on a tendance à apporter un peu trop de protéines dans la ration par sécurité. Mais tout excès protéique va générer un plus grand relargage d’azote par la voie urinaire.
Une autre solution est d’essayer de ne pas vouloir produire un maximum de lait, parce que les derniers litres de lait sont très coûteux en termes d’alimentation et en termes de valorisation des aliments. Rechercher une production optimale me semble plus opportun. Enfin, il existe différentes stratégies alimentaires qui permettent de protéger les protéines de la dégradation dans le rumen et ainsi d’améliorer l’efficience alimentaire des bovins.
L’utilisation de conservateurs d’ensilage permet-elle d’améliorer la qualité protéique des fourrages ?
Oui et non. Ca dépend en fait des conditions d’ensilage. Si on est dans de bonnes conditions, avec de l’herbe qui a été bien préfanée, sans terre dans l’ensilage, il n’y a pas de raisons d’utiliser des conservateurs. À partir du moment où les conditions sont plus difficiles, où s’il on a des proportions plus importantes de légumineuses dans le fourrage à ensiler, la fermentation, et donc la baisse du pH peuvent être plus difficile, et là, les conservateurs peuvent aider. Le conservateur permettra d’avoir une bonne fermentation lactique, de limiter ainsi le développement des Clostridium, et donc la fermentation butyrique. Ca permettra aussi de limiter la dégradation des protéines en ammoniac, protéines qui seront alors disponibles pour la production et valorisées par l’animal.
Contacts
- Parc naturel des Plaines de l’Escaut Audrey POLARD • apolard@pnpe.be • +32 (0)488 981 156
- Parc naturel du Pays des Collines Hervé LUST • h.lust@pnpc.be • +32 (0)68 54 46 02
- PNR Scarpe-Escaut Aurore DLUGON • a.dlugon@pnr-scarpe-escaut.fr • +33 (3)27 19 19 70
Références
Séance du Groupe Herbe et autonomie. 15/03/2019. Ath. Quand un système d’élevage plus du- rable se conjugue avec une augmentation de la valeur nutritionnelle du lait. Froidmont E. (CRA-W)