Contexte
A l’échelle européenne et globalement, les marchés de produits de consommation alimentaire issus de l’agriculture biologique confirment leur croissance et sont en voie de structuration progressive. Ce processus est irrégulier dans le temps et selon les régions, il diffère d’un secteur à l’autre. A l’échelle de la région wallonne et si l’on considère l’évolution des surfaces, on observe une croissance régulière jusqu’en 2002, un palier entre 2002 et 2005, et une nouvelle recrudescence des conversions en terme de surfaces (+20%) comme en terme du nombre d’agriculteurs (+15%) en 2006. Les signaux globalement positifs du marché au niveau européen, la structuration progressive des filières longues stimulées par la grande distribution et les chaines de magasins spécialisés couplée à un régime efficace d’aide au maintien sont à mettre au crédit de cette évolution.
Cependant, ces chiffres globaux ne doivent pas occulter les particularités de chaque filière dont l’analyse peut révéler des situations problématiques. C’est le cas notamment de la filière viande bovine bio qui fait l’objet de cette recherche. Bien que la grande distribution y draine 55% de la demande, la consommation nationale est stationnaire depuis 2001. D’autre part, 70% des animaux allaitants produits selon ce mode de production sont valorisés sur le marché conventionnel. Un projet de recherche intervention établit dans le cadre du programme fédéral d’appui scientifique au développement durable (Stassart et al., 2005) et mis en œuvre au niveau de l’organisation de la filière viande bovine bio et du système d’élevage-engraissement relève deux axes de développement des filières bio. Le premier qui constitue « l’idéal type », en termes de modèle de développement de l’agro-alimentaire bio, s’appuie sur la professionnalisation de réseaux parallèles localisés. Dans ce type de filières sont impliqués des opérateurs dit « exclusifs » c’est-à-dire dont l’activité de production, de transformation, de distribution ou de consommation fait l’objet d’une reconversion qui exclu, au moins en principe, le produit conventionnel. Le deuxième axe de développement apparaît dans les années 1990 en lien avec l’arrivée de la grande distribution sur le marché bio par le biais de filières longues. Dans ce type de filières et contrairement aux précédentes, sont impliqués des opérateurs de type « inclusifs » qui incorporent le produit bio dans leur activité de base et cherchent à organiser la coexistence entre les deux types de produits.
L’analyse du fonctionnement des élevages bovins conduits en agriculture biologique, quand ils sont en lien avec les filières de mise en marché et ce que la filière soit de type « exclusif » ou « inclusif », révèle l’existence de tensions entre le cahier des charges de l’élevage biologique et le référentiel belge du maigre et du tendre lié à l’élevage du Blanc-Bleu-Belge (BBB). Ce référentiel, partagé de façon implicite par les acteurs de la filière viande bovine BBB, spécifie pour chacun d’eux sur quel type de qualification (professionnelle) il y a lieu de s’aligner (Stassart et Jamar, 2005). Les tensions entre référentiels se manifestent au niveau du respect de certaines contraintes du cahier des charges bio : le pourcentage maximum de concentrés autorisé dans la ration, l’obligation de pâturage, la limitation à un usage curatif des médicaments vétérinaires allopathiques et, dans une moindre mesure, la limitation du nombre de naissances par césariennes. A l’échelle européenne, les récentes pénuries en fourrages bio (Stocker, 2007) sont une illustration des contradictions croissantes entre le principe bio d’autonomie au niveau de l’exploitation et la séparation entre productions animales et végétales qui prévaut dans le référentiel agroalimentaire conventionnel.
Une des conclusions de cette recherche est le constat que, face au référentiel dominant, le référentiel bio est largement sous-équipé, c'est-à-dire que persiste un déficit de connaissances partagées sur ce qu’est un élevage bio, la manière d’engraisser, la découpe adéquate ou les qualités spécifiques du produit fini. En conséquence, et malgré le changement de race imposé par la limitation du nombre de naissances par césarienne, la viande bio proposée dans les linéaires présente des caractéristiques semblables à la viande conventionnelle sans pour autant lui être identique : les différences sensorielles peu marquées permettent la comparaison et peuvent êtres interprétées, sur base des critères habituellement utilisés par les consommateurs, comme des défauts. Attendue sur le critère de goût et confrontée aux viandes plus typées de type ’Irish-beef’ ou ‘angus-beef’ la viande bio pourrait de la sorte payer son manque de différenciation par un manque de crédibilité vis-à-vis des consommateurs potentiels. La consolidation du marché de la viande bovine bio après une période de forte croissance liée aux crises sanitaires vient étayer cette hypothèse de même que l’affaiblissement progressif de la consommation de viande de découpe au profit des viandes hachées.
Objectifs
Dans ce contexte, le projet VIABIO s’est donné comme objectif de contribuer à l’équipement de la filière viande bovine en identifiant ce qui, dans les fondamentaux du cahier des charges de l’élevage biologique, constituent des opportunités pour différencier le produit fini par rapport au standard. Il y a donc lieu de définir et optimiser, du point de vue technico-économique, des itinéraires techniques de production et de transformation de la viande bovine biologique qui, tout en respectant les normes du cahier des charges propre à ce mode de production, permettent une différenciation non ambiguë du produit, pour le consommateur sur une base matérielle - sensorielle (qualité technologique, composition intrinsèque, flaveur, saveur, …) et immatérielle mais pragmatique (respect de l’environnement, respect du bien être animal, …). Les différentes alternatives identifiées sont mises en expérimentation et modélisées pour en évaluer les performances économiques, environnementales et sociétales (qualités immatérielles à associer au produit) au niveau du système de production, mais également les impacts organisationnels au niveau de la filière. Les viandes issues des expérimentations sont caractérisées du point de vue de leurs qualités technologiques et sensorielles et comparées au standard conventionnel. D’autre part, les différentes alternatives identifiées sont mises en débat dans des focus groupes délibératifs de consommateurs pour mettre en évidence, quels pourraient être les critères pertinents établissant un lien entre mode de production et qualités intrinsèques du produit finit. Finalement, les caractéristiques matérielles et immatérielles seront articulées dans des argumentaires qui seront mis à l’épreuve dans des focus groupes mixtes regroupant consommateurs et éleveurs.
Résultats attendus
Ce dispositif doit nous permettre de mettre en évidence l’incidence des principaux paramètres d’élevage qui interfèrent avec les spécificités du cahier des charges bio (race, sexe, pourcentage de concentrés, pâturage, muscle et durée de maturation) sur les caractéristiques de la viande qui en est issue. A partir de ces informations nous tenterons de décrire ce que pourrait être une viande bio qui se différencie de façon non ambigüe du standard conventionnel.
Les références obtenues seront incorporées dans le travail de modélisation pour prédire les externalités environnementales et économiques de chacune des options prise à l’échelle de l’exploitation et à celle de la filière.
En confrontant ces résultats techniques avec les critères pertinents issus du dispositif consommateurs, des argumentaires contrastés seront mis en récits de manière à articuler de façon cohérente les qualités matérielles et immatérielles spécifiques aux modes d’élevage biologique. Ces argumentaires seront mis à l’épreuve dans un nouveau dispositif regroupant des éleveurs et des consommateurs.
Résultats obtenus
Cinq itinéraires techniques d’élevage engraissement ont étés identifiés. Trois itinéraires sont basés sur la production de taurillons, deux sur la production de femelles. (tableau 1). Sur chaque animal deux types de muscles sont prélevés : le Longissimus dorci (LD) et le Biceps femoris (BF). Sur chaque muscle, deux temps de maturation sont appliqués : 6 et 27 jours.
Les résultats expérimentaux sont en cours de formalisation.
Les focus groupes ont montré les conditions et les itinéraires selon lesquels les consommateurs deviennent des consommateurs apprenants ainsi que les critères porteurs afin d’établir un lien entre système de production et qualités du produit.
Contribution
Le CRA-W est coordinateur du projet. Dans cette approche multidisciplinaire (sociologie, agronomie), la contribution du CRA-W se situe spécifiquement au niveau de la mise en œuvre du dispositif zootechnique et des interventions sur la chaine d’abattage et de découpe des carcasses qu’elles soient issues de l’expérimentation ou de la filière (références standards).Partenaires
Mormont Marc et Stassart PierreULg-SEEDSocio-Economie Environnement Avenue de Longwy, 185B-6700 ArlonTel : +32 (0)63 23 08 16 P.Stassart@ulg.ac.be
Baret PhilippeUnité de GénétiqueUniversité catholique de LouvainCroix du Sud, 2 bte 14B-1348 Louvain-la-NeuveTel : +32 (0)10 47 37 23 baret@gena.ucl.ac.be
Clinquart AntoineScience des denrées alimentairesSection TechnologieUniversité de LiègeSart-Thilman B43bisB-4000 LiègeTel : +32 (0)43 66 40 48antoine.clinquart@ulg.ac.be
Coordinateur hors CRA-W
D. Jamar and D. StilmantCRA-W – Section Systèmes agricolesRue de Serpont, 100B-6800 LibramontBELGIUMPhone : +32 61 23 10 10Fax : +32 61 23 10 28Email : d.jamar@cra.wallonie.beFinancement
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