Le projet EOM4SOIL est un des 26 projets de recherche transeuropéens sur les sols agricoles financés par le programme européen EJP-SOIL .
Contexte
La communauté scientifique s’accorde pour dire que la fertilisation organique des sols est à privilégier par rapport à la fertilisation minérale. D’une part, elle contribue à l’économie circulaire en favorisant le recyclage des matières organiques et la réinsertion des nutriments dans les sols agricoles. D’autre part, elle contribue à la résilience des sols face aux aléas climatiques et aux stress liés à leur environnement en améliorant davantage leurs propriétés physiques et biologiques. De plus, suite à la récente crise énergétique, les engrais minéraux ont connu une hausse des prix sans précédent, leur synthèse étant très énergivore. L’intérêt pour les matières organiques fertilisantes ne cesse donc de grandir.
Les effluents d’élevage sont les principaux fertilisants organiques en termes de quantité disponibles. Cependant, l’élevage intensif a rendu leur répartition sur le territoire inégale entre les régions agricoles.
De nombreuses activités humaines génèrent d’autres déchets organiques que les effluents qui pourraient être restitués au sol. Ces déchets sont d’origine urbaine (les biodéchets, les boues d'épuration, les déchets verts…), industrielle (boues de lavage, drèches de brasserie, écumes de sucrerie…) et agricole (résidus de culture). Certains d’entre eux contiennent des contaminants pouvant potentiellement nuire à la qualité des sols. Il est donc crucial de caractériser finement la disponibilité et la composition de ces matières afin d’évaluer leur aptitude à remplacer les fertilisants minéraux et les effluents d’élevage.
Les effluents d’élevage sont traditionnellement retournés aux sols, mais ce n'est pas le cas des autres déchets organiques, pour lesquels nous connaissons moins bien l’effet de leur utilisation sur les sols. Plusieurs procédés de transformation tels que le compostage, la méthanisation (Figure 1) ou la pyrolyse permettent d’améliorer la valorisation de ces déchets organiques. Cependant, il est encore nécessaire d’affiner ces procédés ainsi que les techniques d’épandage des matières finales au bénéfice des sols. En d’autres termes, les besoins consistent à optimiser les bénéfices agronomiques en termes de fertilité et de stockage de carbone dans les sols tout en limitant les risques de contamination et les émissions de gaz à effet de serre.
Le projet EOM4SOIL a spécifiquement été développé pour répondre à ces questions à l’échelle européenne.
Figure 1: Infrastructure de la station de biométhanisation du Bois d’Arnelle
Objectifs
EOM4SOIL vise à proposer les meilleures pratiques de gestion du prétraitement et de l'application de matière organique exogènes (External Organic Matter – EOM) sur les sols afin de contribuer à l'atténuation du changement climatique et à l’amélioration de la santé des sols.
Par EOM, on comprend :
- Les matières organiques provenant d'activités externes (par exemple les déchets ménagers) qui n'ont pas été produites sur le champ où elles sont appliquées
- Les matières organiques qui peuvent avoir été produites sur le même champ (par exemple, les résidus de culture ou les cultures de couverture), mais qui ont subi un processus de transformation avant d'être appliquées sur les sols (par exemple, la digestion anaérobie).
Pour répondre aux objectifs du projet, le travail a été subdivisé en différents groupes de travail dits « work packages (WP) » (Figure 2).
Figure 2: Schéma conceptuel des différents “Work Packages” (WP) du projet EOM4SOIL. En rouge, les institutions responsables de coordonner les WP.
Le WP1 a pour but de caractériser la disponibilité et la composition des EOM dans chacun des pays partenaires. Le CRA-W prend part à ce travail en fournissant la quantité produite et la composition des EOM utilisées en Wallonie et en Flandre.
Le WP2 vise à définir et améliorer les pratiques de transformation des EOM pour les rendre plus efficientes en termes de consommation énergétique et de stabilité des éléments nutritifs lors de leur restitution au sol. Les transformations envisagées sont le compostage, la bio-méthanisation et la pyrolyse.
Le WP3 évalue les effets multiples d’un apport de EOM sur la santé des sols dans leur ensemble. Pour ce faire, des systèmes agricoles représentatifs en Europe (cultures arables et vignobles) ont été sélectionnés, en tenant compte de la diversité des conditions pédoclimatiques. Des scénarios d'utilisation évalués avec un modèle de simulation multicritères, paramétré à partir d'expérimentations de longue durée (Long-Term Experiment - LTE), permettront de définir les meilleures pratiques selon le contexte pédoclimatique et la culture produite.
L’implication du CRA-W dans le WP3 consiste à fournir les données expérimentales de LTE pertinentes et contrastées aux scientifiques responsables d’affiner les modèles de simulation. Pour ce faire, un inventaire des LTE européens étudiant l’effet d’un apport de EOM sur la santé des sols a été élaboré et regroupe de nombreuses métadonnées relatives à ces LTE. Cette base de données compte plus de 200 LTE (Figure 3). Elle constituera une source d’information précieuse pour mettre en lumière les manquements au sein de la recherche sur la fertilisation organique et pour mettre en lien les gestionnaires de LTE similaires en termes de type de sol, de contexte pédoclimatique et de EOM étudiées.
Figure 3: Carte des LTE européens étudiant l'effet de la fertilisation organique sur la santé des sols
Les WP4 et 5 sont respectivement destinés à évaluer les émissions de gaz à effet de serre, y compris la balance carbone, et la contamination des sols suite à un apport répété d’EOM.
Enfin, le WP6 proposera les meilleures pratiques de gestion des EOM via l’outil PROLEG d’évaluation multicritère de différents systèmes de cultures, en y intégrant les résultats des autres WP. Une synthèse des différentes législations européennes et nationales sur les EOM fera également l’objet de ce WP6 afin de mettre en évidence les besoins en termes de politique de gestion des systèmes agricoles.
Synergies avec le projet AGW-Fertilisants
L’équipe du pôle sol impliquée dans le projet EOM4SOIL est également impliquée dans un autre projet sur les EOM, à l’échelle wallonne. Ce projet consiste à co-construire avec la Direction de la Protection des Sols (DPS-SPW) un Arrêté du Gouvernement Wallon (AGW) réglementant l’utilisation des matières organiques fertilisantes sur les sols wallons.
L’élaboration d’un texte de loi pertinent et adapté à la Région wallonne s’accompagne d’une bonne connaissance des politiques en vigueur sur le commerce et l’utilisation des EOM à l’échelle de l’Europe, de la Belgique et de la Région wallonne ainsi que des caractéristiques des EOM. Le projet EOM4SOIL sera donc une ressource précieuse pour la construction du futur AGW-Fertilisants.
Inversement, l’analyse pointue de la législation européenne et en particulier du nouveau règlement européen sur le commerce des matières organiques fertilisantes (UE 2019/1009) réalisée dans le cadre du projet d’AGW permet de suivre le projet EOM4SOIL avec un regard avisé, notamment concernant les besoins en termes de recherche scientifique sur la caractérisation des matières et ce que l’on peut exiger de leur qualité.