Comment réduire les risques liés à une production industrielle trop intensive de pomme de terre qui peut conduire à des effets négatifs tant au niveau de la fertilité et de la ‘santé’ de nos sols – dont notamment le lien avec les risques d’infestation par le nématode doré, des risques d’érosion de terres arables, de l’impact sur la qualité de l’eau, des risques sur l’environnement et enfin, des risques de résidus de pesticides ?
Le CRA-W mène depuis longtemps une série de travaux en lien avec l’agriculture et la protection de l’environnement, que ce soit via des objectifs de réduction de l’utilisation d’intrants (produits phytosanitaires, engrais,…) du Plan Triennal de Recherches (PTR) , de travaux de recherches en agriculture biologique, de la création de variétés de pomme de terre résistantes/tolérantes aux maladies ou la participation active dans le PSDAB et via la mise en place de la dynamique Bio2020.
L’érosion des sols et la qualité des eaux
La culture de la pomme de terre est particulièrement sensible au ruissellement et à l’érosion de par ses caractéristiques culturales.
Le projet « Contrôle du ruissellement et de ses impacts en culture de pomme de terre en Wallonie » (CRA-W, 2009 -2011) a étudié les possibilités de développement de la technique du cloisonnement des interbuttes de pomme de terre comme moyen de lutte contre le ruissellement.
Ces travaux ont permis de créer un outil de mécanisation agricole permettant de former entre les buttes de pomme de terre, des mini-digues de terre à espaces réguliers afin de réduire fortement le risque de ruissellement et de ravinement de terre en cas de fortes précipitations.
Les résultats indiquent que la mise en place de diguettes entre les buttes de pommes de terre permet la réduction du ruissellement, des pertes en sédiments et en produits phytosanitaires. Voici quelques liens de publications des résultats de ces travaux qui sont appliqués par un certain nombres d’agriculteurs :
- Contrôle du ruissellement : cloisonnement des interbuttes de pomme de terre en Wallonie. OLIVIER, C. , GOFFART, J.P. & POULET, V. (2011). Potato Planet n°026, p. 52-57.
- Lutter contre le ruissellement et l'érosion, en cloisonnant les interbuttes. Poulet, V. , Goffart, J. , Xanthoulis, D. , Fonder, N. , Lebrun, P. , Vereecke, P. , Lognay, G. & Barthélémy, J. (2010).
- Cloisonnement des interbuttes de pomme de terre: premiers résultats très concluants. POULET, V. (2009). CRAW-info n°24,
- Cloisonnement des interbuttes de pomme de terre: video
- Réduction importante de pertes en sédiments et en produits phytosanitaires grâce au cloisonnement des interbuttes de pomme de terre. Poulet, V. & Barthélémy, J. (2009). Fiwap Info...
Dans le cadre de notre expérimentation Systèmes de Cultures (SdC) en grandes cultures conventionnelles (plateforme SYCI), un système de culture en expérimentation est orienté vers la conservation du capital «sol».
Dans ce système la pomme de terre est aussi prise en considération car cette culture a un impact important sur la structure du sol (travail important du sol lors de la plantation, du buttage et de la récolte). La technique du pré-buttage est expérimentée. Elle consiste à constituer les buttes l’année précédant l’installation de la culture. Le pré-buttage est accompagné d’une implantation d’un couvert hivernal. L’objectif de cette technique est de moins perturber la structure du sol et de conserver les autres éléments qualitatifs biodiversité, taux d’humus….
Le projet INTELL’EAU (ULg Gbx-AgroBioTech, UCL, CIPF et CRA-W) qui a débuté récemment a pour objectif de mettre à disposition des conseillers agricoles et des agriculteurs, un outil opérationnel d'aide à la décision qui concilie les enjeux économiques et de préservation des eaux et des sols.
Le projet fait un focus sur la culture de pomme de terre (et du maïs) et plus particulièrement sur la quantification de l'efficacité des techniques culturales antiérosives novatrices. Dans ce cadre, une évaluation du ruissellement/érosion de la technique du pré-buttage sera également réalisée.
Réduction des intrants fongicides
La maladie principale de la pomme de terre est le mildiou, la lutte contre cette maladie nécessite, à elle seule, un nombre annuel de traitements fongicides qui peut varier de 8 à 20.
Parmi les principaux problèmes liés à l’utilisation abusive de produits de protection des plantes (PPP) en production intensive de pomme de terre en Wallonie il y a le risque de développement du mildiou (Phytophthora infestans) qui est étroitement lié à la culture quasi généralisée de variétés trop sensibles. Le CRA-W contribue activement depuis plus de 30 ans à différentes activités de recherche permettant de réduire l’utilisation des fongicides :
Amélioration de systèmes d’avertissement mildiou et modernisation d’un réseau de stations météorologiques pour une meilleure évaluation du risque (Projet Mildiou-CPP) – Collaboration Carah-Fiwap et réseau PAMESEB de stations météorologiques.
Evaluation du risque de développement de la maladie en début de saison par l’utilisation de capteurs de spores (Projet Potato Smart) - collaboration UCL-Fiwap
Etude de la diversité des populations de mildiou pour une meilleure évaluation du risque (Projet Mildiou-CPP)
Evaluation de la sensibilité au mildiou des nouvelles variétés destinées à l’agriculture biologique (Projet Mildiou-CPP) – Collaboration Carah-Fiwap
Définition d’itinéraires phytotechniques adaptés tant à l’agriculture conventionnelle que l’agriculture biologique (Projet Potato Smart) - collaboration UCL-Fiwap
Définition et développement d’outils permettant la création de nouvelles variétés de pomme de terre associant résistance au mildiou et efficience d’utilisation de l’azote (Projet First)
Evaluation de l’efficacité de produits de protection alternatifs au cuivre en agriculture biologique (Projet INTERREG Bio-Protect et Projet CPP)
La fertilisation azotée et les risques de fuites des nitrates
La culture de pomme de terre possède une faible efficience d’utilisation de l’azote (cycle de développement court, une faible profondeur d’enracinement et une période de prélèvement intense de l’azote relativement brève) qui induit des pertes d'azote dans l'environnement. Une gestion saine et raisonnée de l'azote est donc un moyen efficace et pratique dont disposent les producteurs pour réduire ces pertes.
Les stratégies de raisonnement de la fertilisation azotée en culture de pomme de terre étudiées au CRA-W depuis 1997 reposent sur :
La méthode du fractionnement de l’azote.
En fractionnant les apports d’azote, on améliore l’efficience d’utilisation de l’azote par la plante, on réduit les reliquats post-récolte et on limite le risque de lessivage. Le fractionnement se pratique en deux apports (deux-tiers à la plantation, un tiers en cours de saison en générale à l’initiation des tubercules).
Le diagnostic foliaire.
Il est possible de piloter la fertilisation azotée en cours de saison par des outils qui permettent d’interroger la plante sur son niveau de nutrition azotée. Ce suivi peut se réaliser à différentes échelles. À l’échelle de la feuille ou la plante, on connait les outils manuels qui sont basés sur un nombre limité de mesures par ha (Projet POTFLUO).
À l’échelle du champ, les équipes du CRA-W travaillent de plus en plus avec des outils embarqués sur le tracteur ou le pulvérisateur qui analysent déjà des surfaces plus importantes de la surface du champ (projet VISA, CRA-W). À l’échelle spatiale, dans le projet BELCAM, (CRAW, UCL, ULg, VITO), les informations des images satellites avec les capteurs à bord pour évaluer la biomasse produite et la teneur en azote de cette biomasse, sur l’ensemble de la parcelle sont exploitées.
La recherche de variétés avec une meilleure efficience de l’azote et une meilleure capacité d’adaptation à des stress en lien avec les changements climatiques
Dans ce cadre, le projet FIRST propose la définition et le développement de nouvelles technologies et d’outils permettant l’identification de génotypes associant une meilleure efficience d’utilisation de faibles doses de fumures – organiques et/ou minérales azotées et de meilleures capacités de résistance à des stress hydriques et biotiques tel le mildiou.
La production de pommes de terre en agriculture biologique
Simplement sur base de statistiques descriptives qui devraient également tenir compte des réalités très diverses des facteurs économiques liés aux marchés nationaux et internationaux, il est intéressant de constater que par rapport à quelques voisins européens, il y aurait encore de la marge en Belgique pour développer cette culture en agriculture biologique :
Création de nouvelles variétés de pommes de terre, sélectionnées localement et mieux adaptées aux productions en agriculture biologique via le programme de sélection en cours au CRA-W depuis 2005 où la RW soutient le développement de variétés plus résistantes au mildiou.
Des dizaines de croisements sont effectués chaque année au CRA-W à Libramont ainsi que des essais de screening pour une résistance/tolérance au mildiou. Les premiers résultats sont :
- ‘Louisa’, nouvelles obtention du CRA-W et inscrite au catalogue en 2017, destinée à la production de chips, peu sensible au mildiou et résistante au virus Y de la pomme de terre. Superficies emblavées en 2020 : 31 hectares de plants, 170 hectares de consommation
- Deux futures variétés sont actuellement soumises aux essais en vue d’une inscription au catalogue :
- CRA-W-Solanum - 05-01-48 : résistante au virus Y, destiné à la consommation en frais, usages toutes fins.
- CRA-W-Solanum -12-03-01 : très peu sensible au mildiou, destinée à la production de frites pour le marché du frais
Mise en place de parcelles expérimentales en agricultures biologique d’évaluation de variétés plus robustes et mieux adaptées à l’agriculture biologique.
Depuis 2019, dans le cadre de travaux de recherches en agriculture biologique (Cellule transversale de recherches en AB du CRA-W) et en étroite collaboration avec le Centre Pilote de la Pomme de terre et la FIWAP, le CRA-W évalue des nouvelles variétés de pommes de terre plus robustes, dans les conditions de l’agriculture biologique.
Par ailleurs, le CRA-W est co-signataire de la convention «Pommes de terre robustes» avec la FIWAP et BIOWALLONIE et qui vise justement le développement de la filière bio en Wallonie
En 2020, 43 variétés ont été mises en essais.
Pour une variété de pommes de terre, davantage de robustesse signifie qu’elle peut garantir un rendement et une qualité suffisants en conditions peu favorables, et présentant plus de périodes de sécheresse et de températures élevées. La robustesse est obtenue par la sélection génétique de variétés plus résistantes aux maladies (mildiou, virus, nématodes), tolérantes au stress hydrique et à la chaleur, avec une bonne efficience d’utilisation de l’azote.